La période révolutionnaire de 1848, la participation à cette lutte de classe, les études des philosophes sociaux, et l'étude historique déjà commencée, ont conduit à la première formulation de l'idéologie communiste, dans le Manifeste du Parti communiste.
Je pense que chaque communiste aurait dû lire ceci, car il contient tous les aspects - bien que parfois encore au début du développement - de l'idéologie communiste. Ces différents aspects ont ensuite été élaborés, étudiés et analysés. En fait, sur la base d'informations améliorées par la suite, des notes de bas de page ont été ajoutées (en anglais) à la publication du Manifeste ..., formulant ces “améliorations” sans altérer le texte original.Il ne peut que contribuer à la lecture de Le Capital (pdf "The Capital" - en anglais) plus tard. En fait, à la fin de l'avant-dernier chapitre du Capital, il est à nouveau mentionné dans une note de bas de page au Manifeste du Parti communiste:
Le progrès de l'industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers, résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus elles sont réactionnaires. Elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire.” (Karl Marx et Friedrich Engels : Manifeste du Parti communiste, Lond., 1847 p. 9, 11.) – Note dans Le Capital – Livre premier – Le développement de la production capitaliste de Karl MARX, la VIII° section : L'accumulation primitive Chapitre XXXII : Tendance historique de l’accumulation capitaliste.
Le Manifeste du Parti communiste contient des références en plusieurs endroits aux tâches des communistes et à la forme organisationnelle - Parti Communiste - des communistes:
Il est grand temps que les communistes exposent à la face du monde entier, leurs conceptions, leurs buts et leurs tendances; qu'ils opposent au conte du spectre communiste un manifeste du Parti lui-même. (...)
L'histoire de toute société jusqu'à nos jours1 n'a été que l'histoire de luttes de classes. (...)
La société bourgeoise moderne, élevée sur les ruines de la société féodale, n'a pas aboli les antagonismes de classes Elle n'a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d'oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d'autrefois. Cependant, le caractère distinctif de notre époque, de l'époque de la bourgeoisie, est d'avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en deux vastes camps ennemis, en deux grandes classes diamétralement opposées : la bourgeoisie et le prolétariat.(...)
De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. (...)
Tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement spontané de l'immense majorité au profit de l'immense majorité. Le prolétariat, couche inférieure de la société actuelle, ne peut se soulever, se redresser, sans faire sauter toute la superstructure des couches qui constituent la société officielle. (...)
L'existence et la domination de la classe bourgeoise ont pour condition essentielle l'accumulation de la richesse aux mains des particuliers, la formation et l'accroissement du Capital; la condition d'existence du capital, c'est le salariat. Le salariat repose exclusivement sur la concurrence des ouvriers entre eux. Le progrès de l' industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables.(....)
Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. 2. Dans les différentes phases que traverse la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours les intérêts du mouvement dans sa totalité.
Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l'avantage d'une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien.
Le but immédiat des communistes est le même que celui de tous les partis ouvriers : constitution des prolétaires en classe, renversement de la domination bourgeoise, conquête du pouvoir politique par le prolétariat.
Les conceptions théoriques des communistes ne reposent nullement sur des idées, des principes inventés ou découverts par tel ou tel réformateur du monde. Elles ne sont que l'expression générale des conditions réelles d'une lutte de classes existante, d'un mouvement historique qui s'opère sous nos yeux.(...)
Les communistes ne s'abaissent pas à dissimuler leurs opinions et leurs projets. Ils proclament ouvertement que leurs buts ne peuvent être atteints que par le renversement violent de tout l'ordre social passé. Que les classes dirigeantes tremblent à l'idée d'une révolution communiste ! Les prolétaires n'y ont rien à perdre que leurs chaînes. Ils ont un monde à y gagner.
PROLETAIRES DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS !
Etre «de gauche» mais rejeter le matérialisme historique (l'essence du marxisme!), vous met objectivement du côté de la bourgeoisie
Dans le Manifeste du Parti communiste…. Il était déjà pris position contre les “gauches”, qui rejettent en fait le matérialisme historique et introduisent en fait une idéologie bourgeoise qui “désarme” idéologiquement la classe ouvrière et supprime le fusible révolutionnaire. Tel est le but objectif. Ceci est distinct des intentions peut-être subjectives de ces “gauches”.
2. Le socialisme conservateur ou bourgeois
Une partie de la bourgeoisie cherche à porter remède aux anomalies sociales, afin de consolider la société bourgeoise.
Dans cette catégorie, se rangent les économistes, les philanthropes, les humanitaires, les gens qui s'occupent d'améliorer le sort de la classe ouvrière, d'organiser la bienfaisance, de protéger les animaux, de fonder des sociétés de tempérance, bref, les réformateurs en chambre de tout acabit. Et l'on est allé jusqu'à élaborer ce socialisme bourgeois en systèmes complets.
Citons, comme exemple, la Philosophie de la misère de Proudhon.
Les socialistes bourgeois veulent les conditions de vie de la société moderne sans les luttes et les dangers qui en découlent fatalement. Ils veulent la société actuelle, mais expurgée des éléments qui la révolutionnent et la dessolvent. Ils veulent la bourgeoisie sans le prolétariat. La bourgeoisie; comme de juste, se représente le monde où elle domine comme le meilleur des mondes. Le socialisme bourgeois systématise plus ou moins à fond cette représentation consolante. Lorsqu'il somme le prolétariat de réaliser ses systèmes et d'entrer dans la nouvelle Jérusalem, il ne fait que l'inviter, au fond, à s'en tenir à la société actuelle, mais à se débarrasser de la conception haineuse qu'il s'en fait.
Une autre forme de socialisme, moins systématique, mais plus pratique, essaya de dégoûter les ouvriers de tout mouvement révolutionnaire, en leur démontrant que ce n'était pas telle ou telle transformation politique, mais seulement une transformation des conditions de la vie matérielle, des rapports économiques, qui pouvait leur profiter. Notez que, par transformation des conditions de la vie matérielle, ce socialisme n'entend aucunement l'abolition du régime de production bourgeois, laquelle n'est possible que par la révolution, mais uniquement la réalisation de réformes administratives sur la base même de la production bourgeoise, réformes qui, par conséquent, ne changent rien aux rapports du Capital et du Salariat et ne font, tout au plus, que diminuer pour la bourgeoisie les frais de sa domination et alléger le budget de l'Etat.
Le socialisme bourgeois n'atteint son expression adéquate que lorsqu'il devient une simple figure de rhétorique.
Le libre-échange, dans l'intérêt de la classe ouvrière ! Des droits protecteurs, dans l'intérêt de la classe ouvrière ! Des prisons cellulaires, dans l'intérêt de la classe ouvrière ! Voilà le dernier mot du socialisme bourgeois, le seul qu'il ait dit sérieusement.
Car le socialisme bourgeois tient tout entier dans cette affirmation que les bourgeois sont des bourgeois - dans l'intérêt de la classe ouvrière.
Critique de ne pas s'appuyer sur le matérialisme historique pour concevoir un programme de ce qui s'appelle lui-même un "parti ouvrier".
Par exemple, en 1875, Marx a critiqué le programme du Parti social-démocrate allemand qui avait été formulé lors d'un congrès à Gotha. Ce document de Marx s'appelle donc “Critique du programme de Gotha”… mais il pourrait tout aussi bien s'appeler “Critique de la Charte de Quaregnon”, mais cela s'est produit alors que Marx était déjà mort, et donc il ne aurait pu lire. Ainsi est formulé dans point 1 de la Charte de Quaregnon Déclaration de principes du Parti des Ouvriers de Belgique de 26 mars 1894:
1. Les richesses, en général, et spécialement les moyens de production, sont ou des agents naturels ou le fruit du travail - manuel et cérébral - des générations antérieures, aussi bien que de la génération actuelle; elles doivent, par conséquent, être considérées comme le patrimoine commun de l'humanité.
Ceci est très similaire au premier point du programme de Gotha:
1. - Le travail est la source de toute richesse et de toute culture, et comme le travail productif n'est possible que dans la société et par la société, son produit appartient intégralement, par droit égal, à tous les membres de la société.
Marx dit à ce sujet:
PREMIÈRE PARTIE DU PARAGRAPHE : 'Le travail est la source de toute richesse et de toute culture.'
Le travail n'est pas la source de toute richesse 16 . La nature est tout autant la source des valeurs d'usage (qui sont bien, tout de même, la richesse réelle !) que le travail, qui n'est lui-même que l'expression d'une force naturelle, la force de travail de l'homme. Cette phrase rebattue se trouve dans tous les abécédaires, et elle n'est vraie qu'à condition de sous-entendre que le travail est antérieur, avec tous les objets et procédés qui l'accompagnent. Mais un programme socialiste ne saurait permettre à cette phraséologie bourgeoise de passer sous silence les conditions qui, seules, peuvent lui donner un sens. Et ce n'est qu'autant que l'homme, dès l'abord, agit en propriétaire à l'égard de la nature, cette source première de tous les moyens et matériaux de travail, ce n'est que s'il la traite comme un objet lui appartenant que son travail devient la source des valeurs d'usage, partant de la richesse. Les bourgeois ont d'excellentes raisons pour attribuer au travail cette surnaturelle puissance de création : car, du fait que le travail est dans la dépendance de la nature, il s'ensuit que l'homme qui ne possède rien d'autre que sa force de travail sera forcément, en tout état de société et de civilisation, l'esclave d'autres hommes qui se seront érigés en détenteurs des conditions objectives du travail. Il ne peut travailler, et vivre par conséquent, qu'avec la permission de ces derniers.
Mais laissons la proposition telle qu'elle est, ou plutôt telle qu'elle boite. Quelle conclusion en devrait-on attendre ? Evidemment celle-ci :
'Puisque le travail est la source de toute richesse, nul dans la société ne peut s'approprier des richesses qui ne soient un produit du travail. Si donc quelqu'un ne travaille pas lui-même, il vit du travail d'autrui et, même sa culture, il la tire du travail d'autrui.' (...)
Il n'y a de lien logique entre la première et la seconde partie du paragraphe que si l'on adopte la rédaction suivante :
'Le travail n'est la source de la richesse et de la culture que s'il est un travail social', ou, ce qui revient au même : “que s'il s'accomplit dans la société et par elle'.
Cette proposition est incontestablement exacte, car le travail isolé (en supposant réalisées ses conditions matérielles), s'il peut créer des valeurs d'usage, ne peut créer ni richesse ni culture.
Non moins incontestable cette autre proposition:
'Dans la mesure où le travail évolue en travail social et devient ainsi source de richesse et de culture, se développent, chez le travailleur, la pauvreté et l'abandon, chez le non-travailleur, la richesse et la culture.'
Telle est la loi de toute l'histoire jusqu'à ce jour. Au lieu de faire des phrases générales sur le 'travail' et la 'société', il fallait donc indiquer ici avec précision comment, dans la société capitaliste actuelle, sont finalement créées les conditions matérielles et autres qui habilitent et obligent le travailleur à briser cette malédiction sociale.
Mais, en fait, tout ce paragraphe, aussi manqué au point de vue de la forme que du fond, n'est là que pour qu'on puisse inscrire sur le drapeau du Parti, tout en haut, comme mot d'ordre, la formule lassalienne du 'produit intégral du travail'.
Encore de ce programme de Gotha qui fait penser à la Charte de Quaregnon:
'3. L'affranchissement du travail exige que les instruments de travail soient élevés à l'état de patrimoine commun de la société et que le travail collectif soit réglementé par la communauté avec partage équitable du produit.'
Marx à propos de ce point:
Le 'produit du travail' est une notion vague qui tenait lieu, chez Lassalle, de conceptions économiques positives. Qu'est-ce que le 'partage équitable2'?' (...)
Pour savoir ce qu'il faut entendre en l'occurrence par cette expression creuse de 'partage équitable', nous devons confronter le premier paragraphe avec celui-ci. Ce dernier suppose une société dans laquelle 'les instruments de travail sont patrimoine commun et où le travail collectif est réglementé par la communauté', tandis que le premier paragraphe nous montre que 'le produit appartient intégralement, par droit égal, à tous les membres de la société'.
'A tous les membres de la société' ? Même à ceux qui ne travaillent pas ? Que devient alors le 'produit intégral du travail' ? - Aux seuls membres de la société qui travaillent ? Que devient alors le 'droit égal' de tous les membres de la société?
Mais 'tous les membres de la société' et le 'droit égal' ne sont manifestement que des façons de parler.
Le fond consiste en ceci que, dans cette société communiste, chaque travailleur doit recevoir, à la mode lassalienne, un 'produit intégral du travail'.
Si nous prenons d'abord le mot 'produit du travail' (Arbeitsertrag) dans le sens d'objet créé par le travail (Produkt der Arbeit), alors le produit du travail de la communauté, c'est 'la totalité du produit social' (das gesellschaftliche Gesamtprodukt).
Là-dessus, il faut défalquer :
Premièrement : un fonds destiné au remplacement des moyens de production usagés;
Deuxièmement : une fraction supplémentaire pour accroître la production;
Troisièmement : un fond de réserve ou d'assurance contre les accidents, les perturbations dues à des phénomènes naturels, etc.
Ces défalcations sur le 'produit intégral du travail' sont une nécessité économique, dont l'importance sera déterminée en partie, compte tenu de l'état des moyens et des forces en jeu, à l'aide du calcul des probabilités; en tout cas, elles ne peuvent être calculées en aucune manière sur la base de l'équité.
Reste l'autre partie du produit total, destinée à la consommation.
Mais avant de procéder à la répartition individuelle, il faut encore retrancher :
Premièrement les frais généraux d'administration qui sont indépendants de la production.
Comparativement à ce qui se passe dans la société actuelle, cette fraction se trouve d'emblée réduite au maximum et elle décroît à mesure que se développe la société nouvelle.
Deuxièmement : ce qui est destiné à satisfaire les besoins de la communauté : écoles, installations sanitaires, etc.
Cette fraction gagne d'emblée en importance, comparativement à ce qui se passe dans la société actuelle, et cette importance s'accroît à mesure que se développe la société nouvelle.
Troisièmement : le fonds nécessaire à l'entretien de ceux qui sont incapables de travailler, etc., bref ce qui relève de ce qu' on nomme aujourd'hui l'assistance publique officielle.
C’est alors seulement que nous arrivons au seul 'partage' que, sous l'influence de Lassalle et d'une façon bornée, le programme ait en vue, c'est-à-dire à cette fraction des objets de consommation qui est répartie individuellement entre les producteurs de la collectivité. (...)
Au sein d'un ordre social communautaire, fondé sur la propriété commune des moyens de production, les producteurs n'échangent pas leurs produits; de même, le travail incorporé dans des produits n'apparaît pas davantage ici comme valeur de ces produits, comme une qualité réelle possédée par eux, puisque désormais, au rebours de ce qui se passe dans la société capitaliste, ce n'est plus par la voie d'un détour, mais directement, que les travaux de l'individu deviennent partie intégrante du travail de la communauté. L'expression : 'produit du travail', condamnable même aujourd'hui à cause de son ambiguïté, perd ainsi toute signification.
Ce à quoi nous avons affaire ici, c'est à une société communiste non pas telle qu'elle s'est développée sur les bases qui lui sont propres, mais au contraire, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste; une société par conséquent, qui, sous tous les rapports, économique, moral, intellectuel, porte encore les stigmates de l'ancienne société des flancs de laquelle elle est issue. Le producteur reçoit donc individuellement – les défalcations une fois faites - l'équivalent exact de ce qu'il a donné à la société. Ce qu'il lui a donné, c'est son quantum individuel de travail. Par exemple, la journée sociale de travail représente la somme des heures de travail individuel; le temps de travail individuel de chaque producteur est la portion qu'il a fournie de la journée sociale de travail, la part qu'il y a prise. Il reçoit de la société un bon constatant qu'il a fourni tant de travail (défalcation faite du travail effectué pour les fonds collectifs) et, avec ce bon, il retire des stocks sociaux d'objets de consommation autant que coûte une quantité égale de son travail. Le même quantum de travail qu'il a fourni à la société sous une forme, il le reçoit d'elle, en retour, sous une autre forme3.
C'est manifestement ici le même principe que celui qui règle l'échange des marchandises pour autant qu'il est échange de valeurs égales. Le fond et la forme diffèrent parce que, les conditions étant différentes, nul ne peut rien fournir d'autre que son travail et que, par ailleurs, rien ne peut entrer dans la propriété de l'individu que des objets de consommation individuelle. Mais pour ce qui est du partage de ces objets entre producteurs pris individuellement, le principe directeur est le même que pour l'échange de marchandises équivalentes : une même quantité de travail sous une forme s'échange contre une même quantité de travail sous une autre forme.
Le droit égal est donc toujours ici dans son principe... le droit bourgeois, bien que principe et pratique ne s'y prennent plus aux cheveux, tandis qu'aujourd'hui l'échange d'équivalents n'existe pour les marchandises qu'en moyenne et non dans le cas individuel.
En dépit de ce progrès, le droit égal reste toujours grevé d'une limite bourgeoise. Le droit du producteur est proportionnel au travail qu'il a fourni; l'égalité consiste ici dans l'emploi comme unité de mesure commune.
Mais un individu l'emporte physiquement ou moralement sur un autre, il fournit donc dans le même temps plus de travail ou peut travailler plus de temps; et pour que le travail puisse servir de mesure, il faut déterminer sa durée ou son intensité, sinon il cesserait d'être unité. Ce droit égal est un droit inégal pour un travail inégal. Il ne reconnaît aucune distinction de classe, parce que tout homme n'est qu'un travailleur comme un autre; mais il reconnaît tacitement l'inégalité des dons individuels et, par suite, de la capacité de rendement comme des privilèges naturels. C'est donc, dans sa teneur, un droit fondé sur l'inégalité, comme tout droit. Le droit par sa nature ne peut consister que dans l'emploi d'une même unité de mesure; mais les individus inégaux (et ce ne seraient pas des individus distincts, s'ils n'étaient pas inégaux) ne sont mesurables d'après une unité commune qu'autant qu'on les considère d'un même point de vue, qu'on ne les saisit que sous un aspect déterminé; par exemple, dans le cas présent, qu'on ne les considère que comme travailleurs et rien de plus, et que l'on fait abstraction de tout le reste. D'autre part : un ouvrier est marié, l'autre non; l'un a plus d'enfants que l'autre, etc., etc. A égalité de travail et par conséquent, à égalité de participation au fonds social de consommation, l'un reçoit donc effectivement plus que l'autre, l'un est plus riche que l'autre, etc. Pour éviter tous ces inconvénients, le droit devrait être non pas égal, mais inégal.
Mais ces défauts sont inévitables dans la première phase de la société communiste, telle qu'elle vient de sortir de la société capitaliste, après un long et douloureux enfantement. Le droit ne peut jamais être plus élevé que l'état économique de la société et que le degré de civilisation qui y correspond.
Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux 'De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !' (...)
A toute époque, la répartition des objets de consommation n'est que la conséquence de la manière dont sont distribuées les conditions de la production elles-mêmes. Mais cette distribution est un caractère du mode de production lui-même. Le mode de production capitaliste, par exemple, consiste en ceci que les conditions matérielles de production4 sont attribuées aux non-travailleurs sous forme de propriété capitaliste et de propriété foncière, tandis que la masse ne possède que les conditions personnelles de production : la force de travail. Si les éléments de la production sont distribués de la sorte, la répartition actuelle des objets de consommation s'ensuit d'elle-même. Que les conditions matérielles de la production soient la propriété collective des travailleurs eux-mêmes, une répartition des objets de consommation différente de celle d'aujourd'hui s'ensuivra pareillement.
Le socialisme vulgaire (et par lui, à son tour, une fraction de la démocratie) a hérité des économistes bourgeois l'habitude de considérer et de traiter la répartition comme une chose indépendante du mode de production et de représenter pour cette raison le socialisme comme tournant essentiellement autour de la répartition. Les rapports réels ayant été depuis longtemps élucidés, à quoi bon revenir en arrière?
Dans la “Charte de Quaregnon Déclaration de principes du Parti des Ouvriers de Belgique de 26 mars 1894”:
6. La transformation du régime capitaliste en régime collectiviste doit nécessairement être accompagnée de transformations corrélatives:
a. Dans l'ordre moral, par le développement des sentiments altruistes et la pratique de la solidarité.
b. Dans l'ordre politique, par la transformation de l'Etat en administration des choses.
Dans le programme de Gotha, aussi sur “l’état”:
II Partant de ces principes, le Parti ouvrier allemand s'efforce, par tous les moyens légaux, de fonder L'ETAT LIBRE - et - la société socialiste; d'abolir le système salarié avec la LOI D'AIRAIN des salaires... ainsi que... l'exploitation sous toutes ses formes; d'éliminer toute inégalité sociale et politique.
Marx écrit sur la position centrale dans ce point:
A. - 'Libre fondement de l'Etat'.
Tout d'abord, d'après ce qu'on a vu au chapitre Il, le Parti ouvrier allemand cherche à réaliser l’”Etat libre”. L'Etat libre, qu'est-ce à dire ? (...)
...quel horrible abus le programme ne fait-il pas des expressions “Etat actuel”, “société actuelle” et quel malentendu, plus horrible encore, ne crée-t-il pas au sujet de l'Etat auquel s'adressent ses revendications!
La “société actuelle”, c'est la société capitaliste qui existe dans tous les pays civilisés, plus ou moins expurgés d'éléments moyenâgeux, plus ou moins modifiée par l'évolution historique particulière à chaque pays, plus ou moins développée. L' “Etat actuel”, au contraire, change avec la frontière. Il est dans l'Empire prusso-allemand autre qu'en Suisse, en Angleterre autre qu'aux Etats-Unis. L' “Etat actuel” est donc une fiction.
Cependant, les divers Etats des divers pays civilisés, nonobstant la multiple diversité de leurs formes, ont tous ceci de commun qu'ils reposent sur le terrain de la société bourgeoise moderne, plus ou moins développée au point de vue capitaliste. C'est ce qui fait que certains caractères essentiels leur sont communs. En ce sens, on peut parler d'”Etat actuel” pris comme expression générique. Par contraste avec l'avenir où la société bourgeoise, qui lui sert à présent de racine, aura cessé d'exister.
Dès lors, la question se pose : quelle transformation subira l'Etat dans une société communiste ? Autrement dit quelles fonctions sociales s'y maintiendront analogues aux fonctions actuelles de l'Etat ? Seule la science peut répondre à cette question; et ce n'est pas en accouplant de mille manières le mot Peuple avec le mot Etat qu'on fera avancer le problème d'un saut de puce. Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l'Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat5.
Le programme n'a pas à s'occuper, pour l'instant, ni de cette dernière, ni de l'Etat futur dans la société communiste.
Ses revendications politiques ne contiennent rien de plus que la vieille litanie démocratique connue de tout le monde : suffrage universel, législation directe, droit du peuple, milice populaire, etc. Elles sont simplement l'écho du Parti populaire bourgeois6, de la Ligue de la paix et de la liberté. Rien de plus que des revendications déjà réalisées, pour autant qu'elles ne sont pas des notions entachées d'exagération fantastique. (...)
Que par “Etat” l'on entende, en fait, la machine gouvernementale, ou bien l'Etat en tant que constituant par suite de la division du travail un organisme propre, séparé de la société c'est déjà indiqué par ces mots : “Le Parti ouvrier allemand réclame comme base économique de l'Etat un impôt unique et progressif sur le revenu, etc.”. Les impôts sont la base économique de la machinerie gouvernementale, et de rien d'autre.
Les socialistes qui rejettent le marxisme et les socialistes qui “désarment” le marxisme ... et les socialistes révolutionnaires qui veulent “armer” la classe ouvrière avec le matérialisme historique (le “noyau” du marxisme)
En Russie, Lénine a analysé et critiqué les idéologues “socialistes” qui ont écrit sur Marx et sur le marxisme… pour éroder complètement la compréhension de ce qu'est le marxisme.
Alors aujourd'hui, il y a aussi des gens ou partis de “gauche” - qui se disent même “marxistes” ou “communistes”.
Quand le cadre de pensée dominant est fortement modifié, on parle d'un changement de paradigme. Une rupture avec le cadre de pensée dominant s'opère toujours sur plusieurs générations.
Il n'en va pas autrement pour Karl Marx et Friedrich Engels. Ils ont créé un changement de paradigme dans la pensée de l'histoire humaine. Ils ont apporté une réponse à la question sur la manière dont, au cours de l'histoire, on passe d'une forme de société à une autre forme de société. Ils ont observé que les hommes se sont toujours organisés autour de la production : pour vivre, pour manger, pour se loger et pour se développer, les êtres humains devaient produire. Ils ont montré comment le développement de la technique et de la science, de la connaissance de la production et des compétences est une force motrice dans l'histoire humaine. Et ils ont aussi découvert cet autre moteur de la roue de l'histoire humaine : l'action de hommes, les interactions sociales entre les gens et la lutte sociale entre les différents intérêts et classes dans la société.
Le changement arrive par l'action. "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde ; il s'agit maintenant de le transformer", a écrit Marx sur un papier à Bruxelles. Marx et Engels étaient des révolutionnaires. Ils ont placé leur vie sous le signe de l'émancipation de la classe ouvrière et de la lutte pour une société sans exploitation de l'homme par l'homme.
La société n'est pas faite par des lois de la nature, elle est faite par des êtres humains.
Marx et Engels le savaient : la société n'est pas faite par des lois de la nature, elle est faite par des êtres humains. Et elle peut donc aussi être changée par des êtres humains. (...)
Le changement de paradigme que Copernic, Darwin et Marx ont opéré, chacun sur leur terrain, ne signifie bien sûr pas que plus rien n'a changé depuis. La science évolue continuellement et de nouvelles perspectives apparaissent. Il n'empêche que le changement de paradigme de Marx et Engels reste aujourd'hui inspirant.(...) Nous avons à nouveau besoin d'un changement de paradigme pour y apporter une réponse. Et une autre société, non pas comme une utopie ou un beau rêve romantique, mais comme une réponse nécessaire aux défis d'aujourd'hui.(...) En même temps, de nouvelles générations de jeunes continueront à rechercher une perspective émancipatoire et libératrice pour l'homme et la planète et, à chaque fois, ils redécouvriront Marx. "La vérité est l'enfant du temps, pas de l'autorité", répondait Galilée à ses accusateurs dans une pièce de théâtre de Bertolt Brecht. La société ne doit pas tourner à la mesure du profit, mais à la mesure de l'humain. C'est pourquoi nous sommes marxistes. Des marxistes de notre temps et à notre manière. Marx est mort. Longue vie à Marx !
Sur la conception de ce qu'est le marxisme, et comme exprimé ci-dessus, j'ai écrit dans partie 1 et partie 2 sur “Utiliser CONSCIEMMENT le DOGMATISME pour développer le révisionisme”.
Au moment où le Parti Communiste de Belgique a renoué avec son idéologie communiste d'origine et sa vision du parti, une faction s'est développée au sein du PCB-CPB qui a rejeté l'orientation révolutionnaire et s'est réfugiée dans l'idéologie social-démocrate (elle a en effet adhéré à la Charte de Quaregnon).
Cette faction s'est exclue soi-même et a organisé une réunion qu'elle a appelée “le 37e Congrès” et a appelé son “petit groupe” Parti communiste de Belgique. Dans ce qu'elle a appelé un “document de congrès”, “Tenants et aboutissements de la crise du PCB”, elle a rejeté en fait le marxisme
I.6. Language du 21e siècle ou langue de bois ?
La communication et l’importance de nous faire comprendre doit être au centre de nos préoccupations. Dans cette optique l’utilisation des notions de prolétaire, de prolétariat, de bourgeoisie ou de classe ouvrière doit être repensée car elles sont souvent comprises sous l’angle d’une « image d’Epinal » digne du 19e siècle. Si ces concepts ont toute leur place dans l’histoire de la pensée marxiste et du mouvement ouvrier organisé, nous considérons qu’au 21e siècle l’utilisation sans nuances de ces mots contribue à nous isoler.
Les écrits et les discours gauchistes durs et purs ne sont pas crédibles parce que, d'une part, les notions de prolétariat ou de classe ouvrière peuvent avoir une connotation ringarde, voire péjorative pour les gens. D’autre part, nous constatons que la classe ouvrière, autrefois assimilée au prolétariat, n’est plus majoritaire parmi les salariés, en Belgique comme dans de nombreux pays où les industries sont supplantées par le secteur tertiaire. Quant à la notion de bourgeoisie, elle qualifie souvent erronément aujourd’hui une catégorie de gens dont l'aisance est assimilée à une réussite sociale qui n'a plus grand chose à voir avec la notion marxiste de l’ennemi de classe capitaliste (les « affameurs du peuple ») qui détient la propriété privée des moyens de production et de communication. N'oublions pas que même s'ils ne sont pas issus de la classe ouvrière et qu'ils n'ont pas la même conscience de classe, les indépendants et faux indépendants, les "ubérisés" et les agriculteurs sont des travailleurs qui subissent également, et de manière parfois particulièrement violente, le joug du capital.
Résolution :
Le 37e congrès considère qu’une phraséologie dogmatique et obsolète déconnectée de la réalité contemporaine favorise le repli et l’isolement de la gauche radicale et ne contribuera jamais à faire progresser la réflexion des masses et la lutte des classes. Il recommande l'adoption d'une phraséologie mieux adaptée à la réalité contemporaine.
Sur le développement de la faction orientée vers la social-démocratie au sein du Parti communiste de Belgique, qui lors du 36e congrès a relancé sa conception originale de parti d'il y a 100 ans: partie 1, partie 2 et partie 3 sur La conception du “marxisme” chez la fraction Bergen-Denonville ét chez le PTB
Sur l’AUTO-EXCLUSION de la faction et sa tentative d'utiliser le nom de Parti communiste de Belgique pour son groupe et sa réunion qu'elle appelait “congrès”: NÉGATIONISME de la faction Bergen-Denonville: Nier le matérialisme historique, nier le révolutionnaire rôle de la classe ouvrière, niant le rôle du Parti communiste
Non seulement Marx et Engels, mais aussi Lénine sur la façon dont le déni du matérialisme historique signifie en fin de compte nier le rôle révolutionnaire de la classe ouvrière
En 1894, Lénine a écrit le livre “Quels sont les “amis du peuple” et comment se luttent-ils contre les sociaux-démocrates” (Voici une version ANGLAISE de ce livre compilée à partir des textes publiés sur marxists.org; la version française ici n'est pas complète et en néerlandais, ce n'est pas du tout sur marxists.org)
En cela, Lénine se réfère à un certain N. Mikhailovsky qui a lu Le Capital de Marx et croit donc pouvoir parler avec connaissance de Marx et du marxisme. Comme le PTB et la faction désengagée unie qui se dit “le vrai” PCB le font.“Tout d'abord, - dit-il, - une question se pose naturellement : dans quel ouvrage Marx a-t-il exposé sa conception matérialiste de l'histoire ? Dans le Capital il nous a donné un modèle de synthèse où là force logique s'allie à l'érudition, à une étude méticuleuse de toute la littérature économique comme des faits correspondants. Il a exhumé les théoriciens de la science économique, depuis longtemps oubliés ou que personne ne connaît plus aujourd'hui, sans laisser hors de son attention les moindres détails de rapports faits par des inspecteurs de fabriques ou de témoignages d'experts devant diverses commissions; en un mot, il a remué une surabondante documentation concrète, soit pour justifier, soit pour illustrer ses théories économiques. S'il a créé une conception “toute nouvelle” du processus historique, s'il a expliqué tout le passé de l'humanité d'un point de vue nouveau et dressé le bilan de toutes les théories philosophico-historiques qui ont existé jusqu'ici, il l'a fait évidemment avec le même soin : il a réellement passé en revue et soumis à une analyse critique toutes les théories connues du processus historique, et il a approfondi une quantité de faits tirés de l'histoire universelle. La comparaison avec Darwin, si courante dans la littérature marxiste, ne fait que confirmer cette idée. En quoi consiste toute l’œuvre de Darwin ? En quelques idées de généralisation, intimement liées entre elles et couronnant tout un mont Blanc de faits concrets. Où donc est l’œuvre correspondante de Marx ? Elle n'existe pas. Et cette œuvre ne fait pas seulement défaut chez Marx; elle est inexistante dans toute la littérature marxiste; pourtant vaste et très répandue.”
Lénine sur ces vues du marxisme parmi ces “gauches” ou socialistes autoproclamés et sur ce que Marx a vraiment dit et ce que signifie vraiment le marxisme:
Il est évident que l'idée fondamentale de Marx ‑ le développement des formations économiques de la société est un processus d'histoire naturelle, ‑ sape à la racine cette morale puérile qui prétend au titre de sociologie. Comment Marx a‑t‑il donc élaboré cette idée fondamentale ? En étudiant, à part, parmi les diverses sphères, de la vie sociale, la sphère économique, en étudiant à part, parmi tous les rapports de société, les rapports de production, comme étant fondamentaux, primordiaux et déterminant tous les autres rapports. Marx lui-même décrit ainsi le cours de son raisonnement sur ce problème : “Le premier travail que j'entrepris pour résoudre les doutes qui m'assaillaient fut une révision critique de la Philosophie du droit de Hegel. Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques, ainsi que les formes de l'État, ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la soi-disant évolution générale de l'esprit humain, mais qu'ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d'existence matérielles dont Hegel, à l'exemple des Anglais et des Français du XVIII° siècle, embrasse le tout sous le nom de « société civile »; mais que l'anatomie de la société civile est à chercher dans l'économie politique... Le résultat général auquel j'arrivai [par l'étude de celle-ci] ... peut brièvement se formuler ainsi : dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, rapports de production qui correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base réelle, sur quoi s'élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de la vie social, politique et intellectuel en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence; c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. Des formes de développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports deviennent des entraves pour ces forces. Alors s'ouvre une époque de révolutions sociales. Le changement de la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la formidable superstructure. Lorsqu'on étudie ces bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel ‑ constaté avec une précision propre aux sciences naturelles – des conditions économiques de la production, et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans lesquelles les hommes conçoivent ce conflit et le combattent. De même qu'on ne peut juger un individu sur l’idée qu'il a de lui-même, on ne peut juger une semblable époque de bouleversements sur sa conscience; mais il faut expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives de la société et les rapports de production... Esquissés à grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être désignés comme autant d'époques progressives de la formation économique de la société8.”
Cette idée de matérialisme en sociologie était déjà par elle-même une idée géniale. Naturellement, ce n'était encore pour le moment qu'une hypothèse, mais une hypothèse qui, pour la première fois, permettait d'aborder les problèmes historiques et sociaux d'un point de vue strictement scientifique.(...)
Et Marx, après avoir exprimé cette hypothèse après 1840, se met à étudier les faits (nota bene). Il prend une formation économique de la société – le système de l'économie marchande, – et la sur la base d'une quantité prodigieuse de données (qu'il étudia pendant au moins vingt-cinq ans) fournit une analyse minutieuse des lois du fonctionnement de cette formation et de son développement. Cette analyse s'en tient uniquement aux rapports de production entre les membres de la société : sans jamais avoir recours, dans ses explications, à des facteurs placés en dehors des rapports de production, Marx permet de voir comment se développe l'organisation marchande de l'économie sociale; comment elle se transforme en économie capitaliste et crée des classes antagoniques (cette fois dans le cadre des rapports de production), la bourgeoisie et le prolétariat; comment elle développe la productivité du travail social et introduit par là un élément qui entre en contradiction irréductible avec les principes mêmes de celle organisation capitaliste.
Tel est le squelette du Capital. Mais le principal c'est que Marx ne se contente pas de ce squelette, qu'il ne s'en tient pas à la seule “théorie économique” au sens ordinaire du mot; que tout en expliquant la structure et le développement d'une formation sociale donnée exclusivement par les rapports de production, il a toujours et partout analysé les superstructures correspondant à rapports de production, et revêtu le squelette de chair et de sang. Le succès considérable du Capital provient justement de ce que ce livre de l' “économiste allemand” a révélé au lecteur toute la formation sociale capitaliste comme une chose vivante – avec les faits de la vie courante, avec les manifestations sociales concrètes de l'antagonisme des classes inhérent aux rapports de production, avec la superstructure politique bourgeoise qui protège la domination de la classe des capitalistes, avec les idées bourgeoises de liberté, d'égalité, etc., avec les rapports de famille bourgeois. On comprend maintenant que la comparaison avec Darwin est tout à fait exacte : le Capital n'est autre chose que “quelques idées de généralisation, intimement liées entre elles et couronnant tout un mont Blanc de faits concrets”. Et si en lisant le Capital, le lecteur n'a pas su remarquer ces idées de généralisation, ce n'est pas la faute de Marx qui, même dans la préface, nous l'avons vu, attire l'attention sur ces idées. Bien plus, une telle comparaison n'est pas seulement juste du côté extérieur (qui, on ne sait trop pourquoi, intéresse particulièrement M. Mikhaïlovski), mais aussi du côté intérieur. De même que Darwin a mis fin à la conception selon laquelle les espèces d'animaux et de plantes n'étaient nullement liées entre elles, étaient accidentelles, “créées par Dieu” et immuables, et qu'il fut le premier à donner une base strictement scientifique à la biologie en établissant la variabilité et la continuité des espèces, de même Marx a mis fin à la conception selon laquelle la société est un agrégat mécanique d'individus qui subit toutes sortes de changements au gré des autorités (ou ce qui revient au même, au gré de la société et du gouvernement); qui naît et se transforme suivant le hasard; il fut le premier à donner une base scientifique à la sociologie en établissant le concept de formation économique de la société comme un ensemble de rapports de production donnés; en établissant que le développement de ces formations est un processus d'histoire naturelle.
Il (monsieur Mikhaïlovski)a lu le Capital et n'a pas remarqué qu'il avait devant lui un modèle d’analyse scientifique d'une formation sociale – la plus complexe – suivant la méthode matérialiste, modèle reconnu de tous et insurpassé. Et le voilà à méditer et à creuser ce problème profond : “Dans lequel de ses ouvrages Marx a-t-il exposé sa conception matérialiste de l'histoire ?”
Quiconque connaît Marx lui répondrait par cette autre question : dans lequel de ses ouvrages Marx n'a‑t‑il pas exposé sa conception matérialiste de l'histoire ? Mais M. Mikhaïlovski ne sera sans doute informé des recherches matérialistes de Marx que lorsqu'elles seront classées avec la cote voulue dans quelque ouvrage historiosophique d'un Karéev, sous la rubrique “Matérialisme économique”.
Mais le plus curieux de tout, c’est que M. Mikhaïlovski accuse Marx de n'avoir pas “analysé [sic !] toutes les théories connues du procès historique”. Voilà qui est tout à fait plaisant. En quoi consistaient les neuf dixièmes de ces théories ? En des constructions a priori, dogmatiques, abstraites, telles que : qu'est‑ce que la société ? Qu'est‑ce que le progrès ? etc. (Je prends à dessein des exemples chers à l'esprit et au cœur de M. Mikhaïlovski). Mais ces théories ne valent déjà rien du fait même de leur existence, par leurs méthodes fondamentales, par leur métaphysique compacte et sans éclipse. Car, commencer par demander ce qu'est la société et ce qu'est le progrès, c'est commencer par la fin. Où prendrez‑vous la notion de société et de progrès en général, si vous n'avez pas étudié une seule formation sociale en particulier, si vous n'avez même pas su établir cette notion, si vous n’avez même pas su entreprendre une étude sérieuse des faits, une analyse objective des rapports sociaux, quels qu'ils soient ? C'est là le trait le plus évident de la métaphysique, par laquelle toute science a commencé : tant que l'on n'a pas été capable d'aborder l'étude des faits, on a toujours inventé a priori des théories générales qui sont toujours restées stériles. Incapable qu'il était encore d'analyser en fait les processus chimiques, le chimiste-métaphysicien inventait une théorie sur la force de l'affinité chimique. Le biologiste-métaphysicien parlait de ce qu'était la vie et la force vitale. Le psychologue‑métaphysicien raisonnait sur ce qu'était l'âme. Là, le procédé même était absurde. On ne saurait raisonner sur l'âme, sans expliquer en particulier les processus phychiques : ici le progrès doit consister précisément à rejeter les théories générales et les constructions philosophiques sur l'âme humaine et à savoir placer sur un terrain scientifique l'étude des faits caractérisant les divers processus psychiques.
“Ainsi (d’après Dühring), conclut Engels, “Marx ne peut prouver la nécessité de la révolution sociale, de l'établissement d'une société fondée sur la propriété commune de la terre et des moyens de production créés par le travail, sans faire appel à la négation de la négation de Hegel; en fondant sa théorie socialiste sur un subterfuge d’analogie emprunté à la religion, il arrive à ce résultat que dans la société future régnera une propriété à la fois individuelle et commune, comme unité supérieure hégélienne de la contradiction résolue.9“
Laissons de côté pour l'instant la négation de la négation et considérons cette “propriété à la fois individuelle et commune” M. Dühring l'appelle “vision nébuleuse”, et, si étonnant que cela paraisse, il a bien raison sous ce rapport. Mais le malheur est que ce n’est pas Marx qui se trouve dans cette “vision nébuleuse”, mais encore une fois M. Dühring en personne... Corrigeant Marx d’après Hegel, il lui attribue l'unité supérieure de la propriété dont Marx n'a pas dit un mot.
On lit dans Marx: “C'est la négation de la négation. Elle rétablit la propriété individuelle, mais sur la base des acquisitions capitaliste : la coopération des travailleurs libres et leur propriété commune de la terre et des moyens de production créés par eux-mêmes. La transformation de la propriété privée de l'individu, fondée sur le travail personnel et morcelée, en propriété privée capitaliste, est évidemment un processus infiniment plus long, plus âpre et plus difficile que la transformation de la propriété privée capitaliste, qui repose déjà en fait sur un processus social de production, en propriété sociale.” Voilà tout. L'état du choses créé par l'expropriation des expropriateurs est ainsi caractérisé comme le rétablissement de la propriété individuelle, mais “sur la base” de la propriété commune de la terre et des moyens de production créés par les travailleurs eux‑mêmes. Pour celui qui comprend l’allemand [et le russe aussi, M. Mikhaïlovski, car la traduction est absolument fidèle], cela signifie que la propriété commune s'étend à la terre et aux autres moyens de production, et la propriété individuelle aux produits, c'est-à-dire aux objets de consommation. Et pour que la chose soit compréhensible même à des enfants de six ans, Marx suppose, page 56, une “association d'hommes libres, qui travaillent avec des moyens communs de production et dépensent consciemment leurs... forces individuelles de travail comme une force de travail sociale”, autrement dit une association organisée sur le plan socialiste, et il dit : “L'ensemble du produit de l'association est un produit social. Une partie de ce produit sert à nouveau de moyens de production. Elle reste sociale. Mais l'autre partie est consommée comme moyen d'existence par les membres de l'association. Aussi doit‑elle être répartie entre eux.” Voilà qui doit pourtant être assez clair même pour M. Dühring.
“La propriété à la fois individuelle et commune, cette représentation confuse, cette extravagance qui résulte de la dialectique de Hegel, cette vision nébuleuse, cette profonde énigme dialectique, que Marx laisse à ses adeptes le soin de résoudre, c'est là encore une libre création et imagination de M. Dühring10... “,
“Quel rôle”, poursuit Engels,”joue donc chez Marx la négation de la négation ? Pages 791 et suivantes il résume le résultat final des recherches économiques et historiques des cinquante pages qui précèdent sur ce qu'il appelle l'accumulation primitive du capital. Avant l'ère capitaliste, c'était la petite industrie, du moins en Angleterre, le travailleur ayant la propriété individuelle de ses moyens de production. Ce que l'on appelle l'accumulation primitive du capital consiste, ici, dans l'expropriation de ces producteurs immédiats, c'est‑à‑dire en la suppression de la propriété privée reposant sur le travail personnel. Cette suppression devient possible parce que la petite industrie dont nous avons parlé n'est compatible qu'avec une production et une société étroitement limitée par les conditions naturelles, et parce qu'à un certain degré de développement elle crée elle-même les conditions matérielles de sa propre suppression. Cette suppression, la transformation des moyens de production individuels et morcelés en moyens de production socialement concentrés, constitue l'histoire primitive du capital. Dès que les travailleurs sont changés en prolétaires, et leurs conditions de travail en capital; dès que le mode de production capitaliste s'est mis sur ses pieds, la socialisation du travail qui se poursuit et la transformation de la terre et des autres moyens de production (en capital) et donc l'expropriation des propriétaires privés revêtent une forme nouvelle. « Ce qui reste alors à exproprier, ce n'est plus le travailleur exploitant par lui‑même, c’est le capitaliste qui exploite de nombreux travailleurs. Cette expropriation s'accomplit par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste même par la concentration des capitaux. Un capitaliste tue les autres. Parallèlement à cette concentration, ou à l'expropriation de nombreux capitalistes par quelques‑uns, on voit se développer la forme coopérative du processus du travail dans des proportions sans cesse accrues, l'application consciente de la science à la technologie, l'exploitation commune et méthodique du sol, la transformation des instruments de travail en instruments qu'on ne peut utiliser qu'en commun, et l’économie de tous les moyens de production utilisés comme moyens de production communs d'un travail social combiné. Tandis que diminue sans cesse le nombre des magnats du capital, qui usurpent et monopolisent tous les avantages de ce processus de transformation, on voit croître la misère, l'oppression, la servitude, la dégradation, l'exploitation, mais aussi la révolte de la classe ouvrière toujours plus nombreuse, instruite, unie et organisée par le mécanisme même de la production capitaliste. Le capital devient une entrave pour le mode de production qui s'est épanoui avec lui et sous son égide. La concentration des moyens de production et la socialisation du travail atteignent un degré où elles deviennent incompatibles avec leur enveloppe capitaliste. Celle-ci est déchirée. L'heure de la propriété capitaliste sonne. Les expropriateurs sont expropriés.”
Engels et Lénine parlent (“p. 791 et suivantes”) de la Chapitre XXXII : Tendance historique de l’accumulation capitaliste de la VIII° section : L'accumulation primitive…. où la VIII° section : L'accumulation primitive lui-même sont "les 50 pages suivantes” . La VIII° section entier, vous pouvez lire ici dans ce document séparé….
Monsieur Michailovski prétenderait, d’après Lénine:
En d'autres termes: ” la diffusion du matérialisme et du socialisme scientifique en étendue vient de ce que cette doctrine promet aux ouvriers un avenir meilleur !”
Sur lequel Lénine réagit:
Mais il suffit de la connaissance la plus élémentaire de l'histoire du socialisme et du mouvement ouvrier d'Occident, pour voir toute et la fausseté de cette explication. Chacun sait que le socialisme scientifique n'a en somme jamais tracé de perspectives d'avenir : il s'est borné à faire l'analyse du régime bourgeois contemporain, à étudier les tendances de l'évolution de l’organisation capitaliste, et c'est tout.
“Nous ne disons pas au monde”, écrivait Marx dès 1843, et il a rempli exactement ce programme,”nous ne lui disons pas : “Abandonne les luttes, elles sont stupides”; nous lui donnons le vrai mot d'ordre de lutte. Nous lui montrons seulement pour quoi il lutte en somme; or la conscience est une chose que le monde doit acquérir, qu'il le veuille ou non11."
Chacun sait, par exemple, que le Capital - ce principal et fondamental ouvrage faisant l'exposé du socialisme scientifique - se limite aux allusions les plus générales quant à l'avenir, et n'examine que les éléments existants aujourd'hui et d'où se dégage le régime futur. Chacun sait que pour ce qui est des perspectives d’avenir, les anciens socialistes en ont donné infiniment plus, eux qui dépeignaient la société future dans tous les détails, désireux qu’ils étaient d'entraîner l'humanité par l'image d'un régime où les hommes n'ont plus besoin de lutter, où leurs rapports sociaux ne sont plus basés sur l'exploitation, mais sur de véritables principes de progrès, conformes à la nature humaine. Pourtant, malgré toute une phalange d'hommes de grand talent qui exposaient ces idées, et de socialistes des plus convaincus, leurs théories sont restées en dehors de la vie, et leurs programmes en dehors des mouvements politiques populaires, tant que la grande industrie mécanique n'a pas entraîné dans le tourbillon de la vie politique les masses du prolétariat ouvrier, et que n'a pas été trouvé le véritable mot d'ordre de sa lutte. Ce mot d'ordre a été trouvé par Marx, non pas « par un utopiste, mais par un savant austère et par moment même aride » (selon le jugement de M. Mikhaïlovski en des temps très lointains, en 1872); ce mot d'ordre a été trouvé non point à l'aide de perspectives quelconques, mais par l'analyse scientifique du régime bourgeois contemporain, par l'explication de la nécessité de l'exploitation sous un pareil régime, par l'étude des lois de son évolution. (….)
Voilà, dans ses grandes lignes, un aperçu de l'état où se trouvait le problème du socialisme en Russie, au moment où “naquirent les marxistes russes”.
Ceux-ci commencèrent justement par faire la critique des méthodes subjectives des anciens socialistes; non contents de constater l’exploitation et de la condamner, ils voulurent l'expliquer. Voyant que toute l'histoire de la Russie d'après la réforme12 se résume dans la ruine des masses et dans l'enrichissement de la minorité; observant l'expropriation gigantesque des petits producteurs au fur et à mesure du progrès technique général; remarquant que ces tendances opposées surgissent et se renforcent là et pour autant que se développe et se fortifie l'économie marchande, ils ne pouvaient pas ne pas conclure qu'ils étaient en présence d'une organisation bourgeoise (capitaliste) de l'économie sociale, qui engendrait nécessairement l'expropriation et l'oppression des masses.
C'est conviction qui déterminait directement leur programme : il consistait dans l'adhésion à cette lutte du prolétariat contre la bourgeoisie, à la lutte des classes non possédantes contre les classes possédantes. Cette lutte est le principal contenu de la réalité économique de la Russie, depuis le village perdu jusqu'à la fabrique perfectionnée la plus moderne. Comment adhérer ? La réponse fut encore suggérée par la réalité même.
Le capitalisme a conduit les principales branches d'industrie au stade de la grande industrie mécanisée; en socialisant ainsi la production, il a créé les conditions matérielles du nouveau régime, et formé en même temps une nouvelle force sociale : la classe des ouvriers d'usine, le prolétariat des villes. Soumise à cette même exploitation bourgeoise qu'est, par sa nature économique, l'exploitation de toute la population laborieuse de Russie, cette classe est placée néanmoins dans des conditions particulièrement favorables pour son émancipation : il n'est plus rien qui la rattache à l'ancienne société entièrement fondée sur l'exploitation; les conditions mêmes de son travail et le cadre de sa vie l'organisent, l'obligent à réfléchir, lui offrent la possibilité d'entrer dans la carrière de la lutte politique. Il est naturel que les social-démocrates aient porté toute leur attention et tous leurs espoirs sur cette classe; que tout leur programme vise à développer sa conscience de classe, que toute leur activité tend à l'aider à s'élever jusqu'à la lutte politique directe contre le régime actuel et tend à entraîner dans cette lutte l'ensemble du prolétariat russe.
(REMARQUE: Dès ici les textes du livre “Ce que sont les “amis du peuple” et comment ils luttent contre les social-démocrates” viennent (traduits) du version anglais du même live, qui est plus complèt que le version français du même livre)
Sur l'attitude des “marxistes russes” ou des “sociaux-démocrates” envers ces “anciens socialistes” (narodniks ou “amis du peuple”)….:
Les sociaux-démocrates, qui considèrent comme essentielle l'organisation indépendante des travailleurs en un parti ouvrier séparé, ne pourraient bien sûr pas “fusionner” avec un tel parti, mais les travailleurs soutiendraient le plus fermement toute lutte menée par les démocrates contre les institutions réactionnaires.
La dégénérescence du narodisme en théorie radicale petite-bourgeoise la plus ordinaire - dont (dégénérescence) les «amis du peuple» fournissent un témoignage si frappant - montre quelle terrible erreur est commise par ceux qui répandent parmi les ouvriers l'idée de combattre l'absolutisme sans leur expliquer en même temps le caractère antagoniste de nos relations sociales en vertu desquelles les idéologues de la bourgeoisie favorisent aussi la liberté politique - sans leur expliquer le rôle historique de l'ouvrier russe comme combattant pour l'émancipation de l'ensemble du peuple des travailleurs.
Les social-démocrates sont souvent accusés de vouloir monopoliser la théorie de Marx, alors que, prétend-on, sa théorie économique est acceptée par tous les socialistes. Mais la question se pose; quel sens y a-t-il à expliquer aux ouvriers la forme de la valeur, la nature du système bourgeois et le rôle révolutionnaire du prolétariat, si ici en Russie l'exploitation des ouvriers ne s'explique généralement pas par l'organisation bourgeoise de l’économie social, mais par exemple par la pauvreté des terres, les paiements de rachat ou la tyrannie des autorités?
Quel sens y a-t-il à expliquer à l'ouvrier la théorie de la lutte des classes, si cette théorie ne peut même pas expliquer sa relation à l'employeur (“le capitalisme en Russie aurait été artificiellement implanté par le gouvernement” dit-on), sans parler de la masse du "peuple", qui n'appartiennent pas à la classe pleinement établie des ouvriers d'usine?
Comment peut-on accepter la théorie économique de Marx et son corollaire - le rôle révolutionnaire du prolétariat en tant qu'organisateur du communisme par le biais du capitalisme - si les gens de notre pays essayent de trouver des voies vers le communisme autrement que par l'intermédiaire du capitalisme et du prolétariat qu'il crée?
Évidemment, dans de telles conditions, appeler l'ouvrier à lutter pour la liberté politique équivaudrait à lui demander de tirer les châtaignes du feu pour la bourgeoisie progressiste, car on ne peut le nier (assez généralement, même les Narodniks et les Narodovoltsi ne l'ont pas nié) que la liberté politique servira avant tout les intérêts de la bourgeoisie et ne facilitera pas la position des travailleurs, mais. . . n'assouplira que les conditions de leur lutte. . . contre cette bourgeoisie même. Je dis cela contre ces socialistes qui, s'ils n'acceptent pas la théorie des social-démocrates, continuent leur agitation parmi les ouvriers, ayant acquis la conviction empirique que seuls ces derniers se trouvent des éléments révolutionnaires. La théorie de ces socialistes contredit leur pratique et ils commettent une très grave erreur en détournant les travailleurs de leur tâche directe d’ORGANISER UN PARTI DES TRAVAILLEURS SOCIALISTES.13
Vous ne pouvez pas être un leader idéologique sans faire le travail théorique mentionné ci-dessus, tout comme vous ne pouvez pas l'être sans adapter ce travail pour répondre aux besoins de la cause, et sans diffuser les résultats de cette théorie parmi les travailleurs et les aider à s'organiser.
Une telle présentation de la tâche protège la social-démocratie contre les défauts dont souffrent si souvent les groupes socialistes, à savoir le dogmatisme et le sectarisme.
Il ne peut y avoir de dogmatisme où le critère suprême et unique d'une doctrine est sa conformité au processus actuel de développement social et économique; il ne peut y avoir de sectarisme lorsque la tâche est de promouvoir l'organisation du prolétariat et que, par conséquent, le rôle de "l'intelligentsia" est de rendre inutiles les dirigeants spéciaux de l'intelligentsia.
Ainsi, malgré l'existence de divergences entre marxistes sur diverses questions théoriques, les méthodes de leur activité politique sont restées inchangées depuis la naissance du groupe.
L'activité politique des social-démocrates consiste à promouvoir le développement et l'organisation du mouvement ouvrier en Russie, à transformer ce mouvement de son état actuel de tentatives sporadiques de protestation, “d'émeutes” et de grèves dépourvues d'idée directrice, en une lutte organisée de TOUTE LA CLASSE ouvrière russe dirigée contre le régime bourgeois et travaillant pour l'expropriation des expropriateurs et l'abolition du système social basé sur l'oppression des travailleurs. À la base de ces activités se trouve la conviction commune des marxistes que le travailleur russe est le seul et naturel représentant de l’ensemble de la population ouvrière et exploitée de la Russie.14
Naturel representant, parce que l'exploitation des travailleurs en Russie est partout de nature capitaliste, si l'on laisse de côté les restes moribonds de l'économie serf; mais l'exploitation de la masse des producteurs est à petite échelle, dispersée et sous-développée, tandis que l'exploitation du prolétariat d'usine est à grande échelle, socialisée et concentrée. Dans le premier cas, l'exploitation est toujours enchevêtrée dans des formes médiévales, divers pièges politiques, juridiques et conventionnels, astuces et dispositifs, qui empêchent les travailleurs et leurs idéologues de voir l'essence du système qui opprime les travailleurs, de voir où et où comment trouver un moyen de sortir de ce système. Dans ce dernier cas, au contraire, l'exploitation est pleinement développée et émerge sous sa forme pure, sans aucun détail déroutant.
L'ouvrier ne peut manquer de voir qu'il est opprimé par le capital, que sa lutte doit être menée contre la classe bourgeoise. Et cette lutte, visant à satisfaire ses besoins économiques immédiats, à améliorer ses conditions matérielles, exige inévitablement que les ouvriers s'organisent, et devient inévitablement une guerre non contre des individus, mais contre une classe, la classe qui opprime et écrase non seulement les travailleurs dans les usines, mais partout. C'est pourquoi l'ouvrier d'usine n'est autre que le premier représentant de toute la population exploitée. Et pour qu'il puisse remplir sa fonction de représentant dans une lutte organisée et soutenue, il n'est nullement nécessaire de l'enthousiasmer avec des «perspectives»; il suffit simplement de lui faire comprendre sa position, de lui faire comprendre la structure politique et économique du système qui l'opprime, la nécessité et l'inéluctabilité des antagonismes de classe sous ce système. Cette position de l'ouvrier d'usine dans le système général des relations capitalistes fait de lui le seul combattant pour l'émancipation de la classe ouvrière, car seul le stade supérieur de développement du capitalisme, la grande industrie mécanique, crée la condition matérielle et les forces sociales nécessaires pour cette lutte. Partout ailleurs, là où les formes de développement capitaliste sont faibles, ces conditions matérielles sont absentes; la production est dispersée parmi des milliers de petites entreprises (et elles ne cessent d'être des entreprises dispersées même sous les formes les plus égalitaires de propriété foncière communale), pour la plupart les exploités possèdent encore de petites entreprises et sont donc liés au système très bourgeois qu'ils devraient se battre: cela retarde et entrave le développement des forces sociales capables de renverser le capitalisme. Une exploitation dispersée, individuelle et petite lie les travailleurs à une localité, les divise, les empêche de prendre conscience de la solidarité de classe, les empêche de s'unir une fois qu'ils ont compris que l'oppression n'est pas causée par un individu en particulier, mais par l'ensemble du système économique. Le capitalisme à grande échelle, au contraire, rompt inévitablement tous les liens ouvriers avec l’ancienne société, avec une localité particulière et un exploiteur particulier; il les unit, les oblige à réfléchir et les met dans des conditions qui leur permettent d'engager une lutte organisée. C'est donc sur la classe ouvrière que les social-démocrates concentrent toute leur attention et toutes leurs activités. Lorsque ses représentants avancés ont maîtrisé les idées du socialisme scientifique, l'idée du rôle historique de l'ouvrier russe, lorsque ces idées se généralisent et lorsque des organisations stables se forment parmi les ouvriers pour transformer la guerre économique sporadique actuelle des travailleurs en classe consciente lutte - alors l'ouvrier russe se levant à la tête de tous les éléments démocratiques, renversera l'absolutisme et mènera le PROLETARIAT RUSSE (aux côtés du prolétariat de TOUS LES PAYS sur la voie droite de la lutte politique ouverte vers LA RÉVOLUTION COMMUNISTE VICTORIEUSE.
Quand je parle d'une compréhension étroite du marxisme, je pense aux marxistes eux-mêmes. On ne peut s'empêcher de remarquer à ce propos que le marxisme est le plus atrocement rétréci et déformé lorsque nos libéraux et radicaux entreprennent de l'exposer dans les pages de la presse légale. Quelle exposition! Pensez simplement comment cette doctrine révolutionnaire doit être mutilée pour l'intégrer dans le lit procrustien de la censure russe! Pourtant, nos publicistes effectuent cette opération avec légèreté! Le marxisme, tel qu'ils l'exposent, est pratiquement réduit à la doctrine de la façon dont la propriété individuelle, basée sur le travail du propriétaire, subit son développement dialectique sous le système capitaliste, comment elle se transforme en sa négation et se socialise ensuite. Et avec un air sérieux, ils supposent que tout le contenu du marxisme réside dans ce «schéma», ignorant toutes les caractéristiques spécifiques de sa méthode sociologique, la doctrine de la lutte des classes, et le but direct de l'enquête, à savoir, révéler toutes les formes d'antagonisme et d'exploitation pour aider le prolétariat à les abolir. Il n'est pas surprenant que le résultat soit quelque chose de si pâle et si étroit que nos radicaux commencent à pleurer les pauvres marxistes russes. Nous devrions le penser! L'absolutisme russe et la réaction russe ne seraient pas absolutisme et réaction s'il était possible, tant qu'ils existent, de donner un exposé complet, précis et complet du marxisme, en exposant ses conclusions sans réserve! Et si nos libéraux et radicaux connaissaient bien le marxisme (ne serait-ce que par la littérature allemande), ils auraient honte de le dénaturer ainsi dans les pages de la presse censurée. Si une théorie ne peut être exposée, gardez le silence, ou faites la réserve que vous en donnez une exposition loin d'être complète, que vous en omettez les caractéristiques les plus essentielles; mais pourquoi n'en exposer que des fragments et ensuite hurler sur son étroitesse?
C'est, en effet, la seule explication de l'absurdité, possible seulement en Russie, que les gens sont considérés comme des marxistes qui n'ont aucune idée de la lutte des classes, de l'antagonisme nécessairement inhérent à la société capitaliste et du développement de cet antagonisme; des gens qui n'ont aucune idée du rôle révolutionnaire du prolétariat; même les gens qui sortent avec des projets purement bourgeois, à condition qu'ils contiennent des mots clés comme “économie monétaire”, sa “nécessité” et des expressions similaires, qui exigent toute la profondeur intellectuelle d'un M. Mikhailovsky pour être considéré comme spécifiquement marxiste.
Marx, d'un autre côté, considérait que toute la valeur de sa théorie résidait dans le fait qu'elle est “par essence critique15 et révolutionnaire16“. Et cette dernière qualité est en fait totalement et inconditionnellement inhérente au marxisme, car cette théorie directement se donne pour tâche de révéler toutes les formes d'antagonisme et d'exploitation dans la société moderne, de retracer leur évolution, de démontrer leur caractère transitoire, l'inévitabilité de leur transformation en une forme différente, et ainsi de servir le prolétariat comme moyen de mettre fin aussi rapidement à toute exploitation et aussi facilement que possible. L'attraction irrésistible de cette théorie, qui attire à elle-même les socialistes de tous les pays réside précisément dans le fait qu'elle combine la qualité d'être strictement et suprêmement scientifique (étant le dernier mot en sciences sociales) avec celle d'être révolutionnaire, elle ne les combiner accidentellement et pas seulement parce que le fondateur de la doctrine a combiné en sa propre personne les qualités d'un savant et d'un révolutionnaire, mais le fait intrinsèquement et inséparablement. N'est-ce pas un fait que la tâche de la théorie, le but de la science, est ici définie comme l'assistance à la classe opprimée dans sa lutte économique actuelle.
“Nous ne disons pas au monde: cessez de lutter - toute votre lutte est insensée. Tout ce que nous faisons, c'est lui donner un véritable slogan de lutte.”17
Ainsi, la tâche directe de la science, selon Marx, est de fournir un véritable slogan de lutte, c'est-à-dire de pouvoir présenter objectivement cette lutte comme le produit d'un système défini de rapports de production, de pouvoir comprendre la nécessité de cette lutte, son contenu, son cours et ses conditions de développement. Il est impossible de fournir un “slogan de lutte” à moins d'étudier minutieusement chaque forme distincte de lutte; à moins de retracer toutes les étapes de la lutte lors du passage d'une forme à une autre, de manière à pouvoir définir la situation à un moment donné, sans perdre de vue le caractère général de la lutte et son but général, à savoir, le complet et final abolition de toute exploitation et de toute oppression.
Essayez de comparer avec la théorie “critique et révolutionnaire” de Marx la poubelle incolore que “notre bien connu” NK Mikhailovsky, dans sa “critique”, a exposé et avec laquelle il s'est ensuite battu, et vous serez étonné qu'il puisse vraiment y avoir des gens qui se considèrent comme des “idéologues des travailleurs” et se confinent. . . à cette “pièce usée” dans laquelle nos publicistes transforment la théorie marxiste en effaçant tout ce qui y est vital.
En “HISTOIRE DU PARTI COMMUNISTE (BOLCHÉVIK) DE L ’URSS” (ici un fichier “pdf” de la version française de ce livre), à p.21:
En 1898, plusieurs “Unions de lutte”, – celles de Pétersbourg ; Moscou, Kiev, Iékatérinoslav, – ainsi que le Bund, font une première tentative pour se grouper en un parti social-démocrate. À cet effet ils réunissent à Minsk, en mars 1898, le I er congrès du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR).
Le I er congrès du POSDR ne rassembla que 9 délégués. Lénine n’avait pu y assister, étant à l’époque déporté en Sibérie. (...) … Toutefois, malgré la réunion de ce I er congrès, le Parti social-démocrate marxiste n’était pas encore effectivement crée en Russie. Le congrès n’avait pu grouper les cercles et organisations marxistes, ni les rattacher par des liens d’organisation. Il n’y avait pas encore de ligne unique dans le travail des organisations locales, ni programme, ni statuts du parti ; il n’y avait pas de direction émanant d’un centre unique.
...Ce que deviendrait enfin l’objectif du 2ième congrès du POSDR. Sur cela dans une article suivante.
1 Ou plus exactement l'histoire écrite. En 1847, l'histoire de l'organisation sociale qui a précédé toute l'histoire écrite, la préhistoire, était à peu près inconnue. Depuis Haxthausen a découvert en Russie la propriété commune de la terre. Maurer a démontré qu'elle est la base sociale d'où sortent historiquement toutes les tribus allemandes et on a découvert, petit à petit, que la commune rurale, avec possession collective .de la terre, a été la forme primitive de la société depuis les Indes jusqu'à l'Irlande. Enfin, la structure de cette société communiste primitive a été mise à nu dans ce qu'elle a de typique par la découverte de Morgan qui a fait connaître la nature véritable de la gens et sa place dans la tribu. Avec la dissolution de ces communautés primitives commence la division de la société en classes distinctes, et finalement opposées. J'ai essayé d'analyser ce procès de dissolution dans l'ouvrage l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, 2° édition, Stuttgart 1886. (Note d'Engels pour l'édition anglaise de 1888). Haxthausen, August (1792-1866), baron prussien. Le tsar Nicolas Ier l'autorisa à visiter la Russie pour y étudier le régime agricole et la vie des paysans (1843-1844). Haxthausen écrit un ouvrage consacré à la description des vestiges du régime communautaire dans les rapports terriens de la Russie. (N.R.) Maurer, Georg Ludwig (1790-1872), historien allemand; il étudia le régime de la Germanie et de l'Allemagne du moyen âge et fit un apport important à l'étude de la marche du moyen âge. (N.R.) Morgan, Lewis Henry (1818-1881), ethnographe, archéologue et historien américain. Grâce aux nombreuses données ethnographiques accumulées au cours de son étude du régime social et de la vie des Indiens de l'Amérique, Morgan fonda sa doctrine sur l'évolution de la gens en tant que la forme principale de la société primitive. C'est à lui également qu'appartient la tentative de diviser en périodes l'histoire de la société primitive sans classes. Marx et Engels appréciaient beaucoup l'oeuvre de Morgan. Marx fit un résumé de son ouvrage la Société ancienne (1877). Dans son ouvrage l'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'Etat, Engels cite les données de fait fournies par Morgan. (N.R.)
2Voir l'article critique d'Engels « Un salaire équitable pour une journée de travail équitable », dans l'ouvrage de Marx : Salaire, prix et profit.
3 Marx nous a déjà donné une fois le tableau d'une société communiste dans laquelle “le temps de travail joue un double rôle” : “D'un côté, sa distribution dans la société règle le rapport exact des diverses fonctions aux divers besoins; de l'autre, il mesure la part individuelle de chaque producteur dans le travail commun et en même temps la portion qui lui revient dans la partie du produit commun réservée à la consommation.” (Le Capital, t. I. p. 90).
4C'est-à-dire les instruments de production (terre, bâtiments, outillage, etc).
5 Déjà en 1852, Marx écrit, dans une lettre à Wiedemeyer, que « la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ».
6Le Parti populaire allemand ou Parti démocrate. fondé en 1865, groupait la petite bourgeoisie des petits et moyens Etats d'Allemagne. Elle s'opposait à la politique bismarckienne en revendiquant la création d'une République démocratique.
7http://ptb.be/articles/200-ans-de-karl-marx-un-changement-de-paradigme-vers-une-societe-sans-exploitation, 200 ans de Karl Marx : "un changement de paradigme vers une société sans exploitation" - 5 Mai 2018, auteur: Peter Mertens
8 K. Marx : préface de la “Contribution à la critique de l’économie politique”.
9Que cette définition des conceptions de Dühring convienne entièrement à M. Mikhaïlovski, c'est ce que prouve encore le passage suivant de son article : « K. Marx devant le jugement de M. J. Joukovski ». Répondant à M. Joukovski qui voyait en Marx un défenseur de la propriété privée, M. Mikhaïlovski s'en réfère à ce schéma de Marx et l'explique de la manière suivante : « dans son schéma, Marx a glissé deux tours de passe ‑passe bien connus de la dialectique hégélienne : 1. Le schéma est bâti suivant la loi de la triade hégélienne; 2. la synthèse est basée sur l'identité des contraires : la propriété individuelle et la propriété commune. Donc le mot « individuel » a ici le sens particulier, purement conventionnel d'un élément du processus dialectique et l'on ne peut absolument rien fonder sur lui. » Ceci a été dit par un homme animé des meilleures intentions et qui défendait aux yeux du public russe le « sanguin » Marx, contre le bourgeois Joukovski. Et c'est avec ces meilleures intentions qu'il explique Marx comme si ce dernier basait sa conception du processus sur des « tours de passe‑passe » ! M. Mikhailovski peut tirer là une morale qui lui sera profitable, à savoir que, quelle que soit la chose que l'on entreprenne, les bonnes intentions à elles seules ne suffisent pas. (Note de l’auteur)
10Cf. Engels : Anti-Dühring (Ed. Allemande, Moscou, 1939, p. 121-124.)
11Cf. Lettre de Marx à Ruge – Sept. 1843.
12Allusion à la réforme agraire de 1861 qui abolissait le servage et des réformes qui suivirent dans le domaine de la Justice, de l’Administration, etc. D’après Lénine, la « réforme paysanne » fut une réforme bourgeoise réalisée par et pour les grands propriétaires fonciers. Ce fut un pas en avant dans la transformation de la Russie en monarchie bourgeoise.
13 There are two ways of arriving at the conclusion that the worker must be roused to right absolutism: either by regarding the worker as the sole fighter for the socialist system, and therefore seeing political liberty as one of the conditions facilitating his struggle; that is the view of the Social-Democrats or by appealing to him simply as the one who suffers most from the present system, who has noting more to lose and who can display the greatest determination in fighting absolutism. But that would mean compelling the worker to drag in the wake of the bourgeois radicals, who refuse to see the antagonism between the bourgeoisie and the proletariat behind the solidarity of the whole “people” against absolutism. —Lenin
14 Russia’s man of the future is the muzhik—thought the representatives of peasant socialism, the Narodniks in the broadest sense of the term. Russia’s man of the future is the worker—think the Social-Democrats. That is how the Marxist view was formulated in a certain manuscript. —Lenin
15 Note that Marx is speaking here of materialist criticism, which alone he regards as scientific—that is, criticism which compares the political, legal, social, conventional and other facts, with economics, with the system of production relations, with the interests of the classes that inevitably take shape on the basis of all the antagonistic social relations. That Russian social relations are antagonistic can hardly be doubted. But nobody has yet tried to take them as a basis for such criticism. —Lenin
16 See Afterword to the second edition of Volume One of Marx’s Capital (K. Marx, Capital, Vol. I, Moscow, 1959, p. 20).
17 Lenin quotes from Marx’s letter to Ruge (dated September 1843). Fuller quotations from this letter will be found on pages 184-85 of this volume.
Geen opmerkingen:
Een reactie posten