10-09-2024

Le livret de Staline « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » donne une vision opportuniste de « l'application du matérialisme historique ».

De nombreux membres des partis communistes ont basé leur formation à l'application du marxisme sur « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » de Staline. Même si une prise de position était CONTRE Staline, le CONTENU de la formation, explication ou base idéologique, était celui de cet ouvrage. Souvent, les gens ne savaient pas que c’était l’œuvre de Staline. Par exemple, tout cela apparaît dans le livre reconnu par le CC du PCUS, « L’histoire du Parti communiste de l’Union soviétique (bolcheviks) » dans le cadre d’un chapitre sur l’idéologie des bolcheviks….
Où «
Que faire ? » était généralement pris comme base sur laquelle fonder le concept de parti, le contenu du livret de Staline a continué à être utilisé pour « éduquer » les membres au marxisme.

La ligne idéologique et politique de l’œuvre de Staline était (et est) sujette à l’opportunisme. Pour beaucoup de ceux qui fondaient leur éducation marxiste uniquement sur ce travail, cela n’était pas « visible » s’ils ne prenaient pas la peine d’étudier « Socialisme utopique et socialisme scientifique » (d’Engels). Parce qu’il n’était pas « visible » pour de nombreux membres, cet opportunisme (qui s’était déjà bien répandu) pouvait être utilisé pour introduire (à terme) une ligne bourgeoise dans le parti (capturée dans des phrases à consonance marxiste, simplement reprises du livret de Staline). En particulier, la citation de Marx tirée de « l'Introduction de la Contributions à la Critique de l'Économie Politique » a été utilisée, mais avec laquelle Staline lui-même a conclu « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique », pour être distillée et paraphrasée…. ou seulement quelques phrases ont été citées de cette citation elle-même.
Bien que cela puisse être analysé en détail par la suite, je voudrais maintenant développer quelques points à la lumière de la nécessité de la fondation d’un parti communiste et de la détermination de sa ligne politique, car c'est important pour son travail.

À mon avis, le révisionnisme se développe au sein du parti communiste sur la base d’un opportunisme inaperçu, méconnu et donc incontesté au sein du parti. L’opportunisme peut se développer à cause d’un manque de connaissances sur la manière d’appliquer le marxisme, ou en ne partant pas consciemment d’un point de vue de classe prolétarien (en ce qui concerne son rôle révolutionnaire historique). Ne pas faire un choix conscient de partir d’une position de classe prolétarienne, par exemple en raison de la « paresse mentale » petite-bourgeoise d’étudier et d’analyser de manière approfondie et concrète, peut aussi être la cause du développement de l’opportunisme.
On prend position à l’avance ou on prend une décision à l’avance. Ensuite, on recherche des citations ou des morceaux de texte qui (surtout s'ils sont sortis de leur contexte) semblent confirmer cette position ou cette décision.
Ce n'est plus de l'opportunisme, mais du RÉVISIONNISME si c'est une pratique CONSCIENTE.
C’est quand on a une position biaisée (bourgeoise) qu’on veut imposer au parti communiste. On utilise une connaissance encyclopédique des œuvres marxistes pour trouver quelque part une citation ou un morceau de texte qui (sorti de son contexte) confirme cette position biaisée. Les révisionnistes utiliseront certainement des positions opportunistes déjà développées.
Là où Staline a toujours défendu la poursuite de la lutte des classes sous le socialisme (et a ainsi reconnu la survie – encore – des classes sous le socialisme… donc aussi de la bourgeoisie), ainsi que la reconnaissance du socialisme comme une « transition » du capitalisme au communisme et donc à la nécessité de la dictature du prolétariat, la formulation de ce qu'est le matérialisme historique dans «
Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » conduit au flou sur ces questions.
Un exemple concret est le PTB, dont j'ai analysé le développement du révisionnisme basé sur un opportunisme généralisé en 10-9-2020 Le PTB parle (dans "Socialisme 2.0") de "CHANGEMENT DE PARADIGME", je l'appelle plutôt "RÉVISIONISME"

C'est cette vision opportuniste de « l'application du marxisme » comme celle dans « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » qui a conduit à l'opportunisme dans l'analyse des « Problèmes économiques du socialisme en URSS »
Nous montrerons plus loin comment le révisionnisme a pu se développer ultérieurement sur la base de cet opportunisme, tant au sein du PCUS que du PCC.
Car le révisionnisme (qui a finalement conduit à des positions qui se sont retournées CONTRE la position initialement correcte, révolutionnaire et prolétarienne de Staline) a profité des erreurs opportunistes de Staline pour finalement développer une ligne bourgeoise qui a finalement RESTAURÉ la dictature bourgeoise et le capitalisme (à la fois en Union soviétique et en République populaire de Chine). Chine).
Analyser comment Staline est venu de développer cet opportunisme peut constituer un sujet d’étude distinct.

L’attitude opportuniste dans « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » est particulièrement évidente lorsque nous comparons « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » avec « Socialisme utopique et socialisme scientifique » d’Engels.


Staline sur le matérialisme historique: « Le matérialisme historique étend les principes de du matérialisme dialectique à l’étude de la vie sociale ; il applique ces principes aux phénomènes de la vie sociale, à l’étude de la société, à l’étude de l’histoire de la société. »
Dans son livre, il définira d’abord ce qu’est la dialectique, puis ce qu’est le matérialisme, et parlera ensuite, de manière très générale, de ce qu’implique le matérialisme historique.

Engels, dans l'introduction de l'édition de 1882 « Socialisme utopique et socialisme scientifique », parle de : « La vision matérialiste de l'histoire et son application particulière à la lutte de classes moderne entre le prolétariat et la bourgeoisie n'ont été possibles que grâce à la dialectique. »
Dans l'introduction de l'édition de 1892, il déclare donc : «
Cette brochure défend ce que nous nommons le «matérialisme historique»,... » Autrement dit. Il parle du matérialisme historique comme d'une « arme » permettant au prolétariat de connaître la société bourgeoise, afin de développer sa lutte de classe contre elle. Ce matérialisme historique, explique-t-il, a un aspect dialectique et un aspect matérialiste.
Dans la même introduction, il affirme qu'en ce qui concerne l'analyse de l'économie/mode de production qui constitue la base de la société civile, clairement et concrètement :

Les termes économiques employés dans ce livre correspondent, dans la mesure où ils sont nouveaux, à ceux de l'édition anglaise du Capital de Marx. Nous désignons par «production des marchandises» cette phase de l'économie dans laquelle les denrées ne sont pas produites seulement pour l'usage du producteur, mais en vue de l'échange, c'est-à-dire comme marchandises, et non comme valeurs d'usage. Cette phase s'étend depuis les premiers débuts de la production pour l'échange jusqu'à nos jours; elle n'atteint son plein développement qu'avec la production capitaliste, c'est-à-dire avec les conditions dans lesquelles le capitaliste, propriétaire des moyens de production, occupe pour un salaire des ouvriers, gens privés de tout moyen de production à l'exception de leur propre force de travail, et empoche l'excédent du prix de vente des produits sur ses dépenses.
Nous divisons l'histoire de la production industrielle, depuis le moyen âge, en trois périodes:
1- L'artisanat, petits maîtres-artisans assistés de quelques compagnons et apprentis, où chaque ouvrier fabrique l'article entier.
2- La manufacture, où un assez grand nombre d'ouvriers, groupés dans un grand atelier, fabrique l'article entier selon le principe de la division du travail, c'est-à-dire que chaque ouvrier n'exécute qu'une opération partielle, de sorte que le produit n'est terminé qu'après avoir passé successivement entre les mains de tous.
3- L'industrie moderne, où le produit est fabriqué par une force, et où le travail de l'ouvrier se borne à la surveillance et à la correction des opérations accomplies par la mécanique.

Staline ne parle pas de l’économie marchande et de la production marchande, car il ne parle pas spécifiquement de la société bourgeoise. Il parle de manière générale des différentes formes de société. C’est pourquoi il ne peut être que général sur l’économie :

Il suit de là que la production, le mode de production englobe tout aussi bien les forces productives de la société que les rapports de production entre les hommes, et est ainsi l’incarnation de leur unité dans le processus de production des biens matériels.

Engels précise alors très précisément dans la même introduction de 1892 :

...(le) mot matérialisme historique pour désigner une conception de l'histoire qui recherche la cause première et le grand moteur de tous les événements historiques importants dans le développement économique de la société, dans la transformation des modes de production et d'échange, dans la division de la société en classes qui en résulte et dans les luttes de ces classes entre elles.

Il commence la première chapitre (« SOCIALISME UTOPIQUE ») avec:

Par son contenu, le socialisme moderne est, avant tout, le produit de la prise de conscience, d'une part, des oppositions de classes qui règnent dans la société moderne entre possédants et non-possédants, salariés et bourgeois, d'autre part, de l'anarchie qui règne dans la production.

Et dit à la fin du chapitre :

La manière de voir des utopistes a longtemps dominé les idées socialistes du XIXe siècle et les domine encore en partie. Elle était encore, il y a peu de temps, celle de tous les socialistes anglais et français; c'est à elle que se rattachent les premiers socialistes allemands, Weitling compris. Le socialisme est l'expression de la vérité, de la raison et de la justice absolues, et il suffit qu'on le découvre pour qu'il conquière le monde par la vertu de sa propre force; comme la vérité absolue est indépendante du temps, de l'espace et du développement de l'histoire humaine, la date et le lieu de sa découverte sont un pur hasard. Cela étant, la vérité, la raison et la justice absolues redeviennent différentes avec chaque fondateur d'école; et comme l'espèce de vérité, de raison et de justice absolues qui est particulière à chacun d'eux dépend de son entendement subjectif, de ses conditions de vie, du degré de ses connaissances et de la formation de sa pensée, la seule solution possible à ce conflit de vérités absolues, c'est qu'elles s'usent l'une contre l'autre. Rien d'autre ne pouvait sortir de là qu'une espèce de socialisme éclectique moyen, comme celui qui règne, aujourd'hui encore, en fait, dans l'esprit de la plupart des ouvriers socialistes de France et d'Angleterre: un mélange, admettant la plus grande variété de nuances, où entrent, dans ce qu'elles ont de moins insolite, les observations critiques des divers fondateurs de secte, leurs thèses économiques et leurs peintures de la société future; et ce mélange s'opère d'autant plus facilement que, dans chaque élément composant, les arêtes vives de la précision ont été émoussées au fil des débats comme les galets au fil du ruisseau. Pour faire du socialisme une science, il fallait d'abord le placer sur un terrain réel.

Staline fait référence en un seul endroit avec une courte citation au livre « Socialisme utopique et socialisme scientifique » :

A propos du problème de la matière et de la pensée, Marx écrit :
« On ne saurait séparer la pensée de la matière pensante. Cette matière est le substratum de tous les changements qui s'opèrent.» (Fr. Engels : Socialisme utopique et socialisme scientifique, Introduction.)

Cette citation de Marx semble un peu énigmatique sans contexte. Marx répond à une certaine idée fausse sur le matérialisme. Par exemple, avant cette citation de Marx dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique », il est dit :

Le matérialisme est le vrai fils de la Grande-Bretagne. Déjà son scolastique Duns Scot s'était demandé « si la matière ne pouvait pas penser »

Et Staline conclut « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » par :

Dans la préface historique de son célèbre ouvrage Contribution à la critique de l'économie politique (1859), Marx donne une définition géniale de l'essence même du matérialisme historique :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production qui correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure

économique de la société, la base réelle sur quoi s'élève une superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel, en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence ; c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports deviennent des entraves pour ces forces. Alors s'ouvre une époque de révolutions sociales. Le changement de la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la formidable superstructure. Lorsqu'on étudie ces bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel, — constaté avec une précision propre aux sciences naturelles, — des conditions économiques de la production, et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans lesquelles les hommes conçoivent ce conflit et le combattent. De même qu'on ne peut juger un individu sur l'idée qu'il a de lui même, on ne peut juger une semblable époque de bouleversements sur sa conscience : mais il faut expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives de la société et les rapports de production. Une formation sociale ne meurt jamais avant que soient développées toutes les forces productives auxquelles elle peut donner libre cours ; de nouveaux rapports de production, supérieurs aux anciens, n'apparaissent jamais avant que leurs conditions matérielles d'existence n'aient mûri au sein de la vieille société.
C'est pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre ; car, à mieux considérer les choses, il s'avérera toujours que le problème lui-même ne surgit que lorsque les conditions matérielles de sa solution existent déjà ou tout au moins sont en formation. »

Ici, le contexte de la citation est « oublié » par Staline. Ici, Marx n’a pas voulu donner une « définition géniale de l'essence même du matérialisme historique formulation géniale » ! Dans l'introduction du livre qu'il vient d'écrire, Marx formule les idées auxquelles il est parvenu pour analyser désormais le capitalisme (car c'est sur lui que repose la société bourgeoise).

Staline aurait mieux fait de reprendre une citation de « Socialisme utopique et socialisme scientifique », car après tout, c'est de cela qu'il s'agit en fin de compte « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique ».
Un exemple d’une telle citation plus appropriée :

Les faits nouveaux obligèrent à soumettre toute l'histoire du passé à un nouvel examen et il apparut que toute histoire passée était l'histoire de luttes de classes, que ces classes sociales en lutte l'une contre l'autre sont toujours des produits des rapports de production et d'échange, en un mot des rapports économiques de leur époque; que, par conséquent, la structure économique de la société constitue chaque fois la base réelle qui permet, en dernière analyse, d'expliquer toute la superstructure des institutions juridiques et politiques, aussi bien que des idées religieuses, philosophiques et autres de chaque période historique. Ainsi l'idéalisme était chassé de son dernier refuge, la conception de l'histoire; une conception matérialiste de l'histoire était donnée et la voie était trouvée pour expliquer la conscience des hommes en partant de leur être, au lieu d'expliquer leur être en partant de leur conscience, comme on l'avait fait jusqu'alors.
En conséquence, le socialisme n'apparaissait plus maintenant comme une découverte fortuite de tel ou tel esprit de génie, mais comme le produit nécessaire de la lutte de deux classes produites par l'histoire, le prolétariat et la bourgeoisie. Sa tâche ne consistait plus à fabriquer un système social aussi parfait que possible, mais à étudier le développement historique de l'économie qui avait engendré d'une façon nécessaire ces classes et leur antagonisme, et à découvrir dans la situation économique ainsi créée les moyens de résoudre le conflit.
Mais le socialisme antérieur était tout aussi incompatible avec cette conception matérialiste de l'histoire que la conception de la nature du matérialisme français l'était avec la dialectique et la science moderne de la nature. Certes, le socialisme antérieur critiquait le mode de production capitaliste existant et ses conséquences, mais il ne pouvait pas l'expliquer, ni par conséquent en venir à bout; il ne pouvait que le rejeter purement et simplement comme mauvais. Plus il s'emportait avec violence contre l'exploitation de la classe ouvrière qui en est inséparable, moins il était en mesure d'indiquer avec netteté en quoi consiste cette exploitation et quelle en est la source.

LES DEUX DÉCOUVERTES CAPITALES DE MARX
Le problème était, d'une part, de représenter ce mode de production capitaliste dans sa connexion historique et sa nécessité pour une période déterminée de l'histoire, avec par conséquent, la nécessité de sa chute, d'autre part, de mettre à nu aussi son caractère interne encore caché, la critique s'étant jusque-là jetée plutôt sur ses conséquences mauvaises que sur sa marche même.
C'est ce que fit la découverte de la plus-value. Il fut prouvé que l'appropriation de travail non payé est la forme fondamentale du mode de production capitaliste et de l'exploitation de l'ouvrier qui en résulte; que même lorsque le capitalisme paie la force de travail de son ouvrier à la pleine valeur qu'elle a sur le marché en tant que marchandise, il en tire pourtant plus de valeur qu'il n'en a payé pour elle; et que cette plus-value constitue, en dernière analyse, la somme de valeur d'où provient la masse de capital sans cesse croissante accumulée entre les mains des classes possédantes. La marche de la production capitaliste, aussi bien que de la production de capital, se trouvait expliquée.
Ces deux grandes découvertes: la
conception matérialiste de l'histoire et la révélation du mystère de la production capitaliste au moyen de la plus-value, nous les devons à Marx.
C'est grâce à elles que le socialisme est devenu une science, qu'il s'agit maintenant d'élaborer dans tous ses détails.

Non, Staline va définir ce qu'est le matérialisme historique d'une manière superficiellement « neutre » :

« Le matérialisme historique est l'extension des principes du matérialisme dialectique à l'étude de la vie sociale, c'est une application des principes du matérialisme dialectique aux phénomènes. de l'existence de la vie sociale, à l'étude de la société et de son histoire.»

Ainsi, la formulation descriptive et « neutre » de Staline contraste avec « Socialisme utopique et socialisme scientifique » où comme raison de l'écrire, la lutte de classe déjà en cours du prolétariat contre la bourgeoisie est invoquée.

Staline écrit encore :

Il n’est pas difficile de comprendre quelle importance considérable prend l’extension des principes de la méthode dialectique à l’étude de la vie sociale, à l’étude de l’histoire de la société, quelle importance considérable prend l’application de ces principes à l’histoire de la société, à l’activité pratique du parti du prolétariat.
S’il est vrai qu’il n’y a pas dans le monde de phénomènes isolés, s’il est vrai que tous les phénomènes sont liés entre eux et se conditionnent réciproquement, il est clair que tout régime social et tout mouvement social dans l’histoire doivent être jugés, non du point de vue de la « justice éternelle » ou de quelque autre idée préconçue, comme le font souvent les historiens, mais du point de vue des conditions qui ont engendré ce régime et ce mouvement social et avec lesquelles il sont liés.
Le régime de l’esclavage dans les conditions actuelles serait un non-sens, une absurdité contre
nature. Mais le régime de l’esclavage dans les conditions du régime de la communauté primitive en décomposition est un phénomène parfaitement compréhensible et logique, car il signifie un pas en avant par comparaison avec le régime de la communauté primitive.
Revendiquer l’institution de la république démocratique bourgeoise dans les conditions du tsarisme et de la société bourgeoise, par exemple dans la Russie de 1905, était parfaitement compréhensible, juste et révolutionnaire, car la république bourgeoise signifiait alors un pas en avant. Mais revendiquer l’institution de la république démocratique bourgeoise dans les conditions actuelles de l’U.R.S.S. serait un non-sens, serait contre-révolutionnaire, car la république bourgeoise par comparaison avec la république soviétique est un pas en arrière.
Tout dépend des conditions, du lieu et du temps.
Il est évident que sans cette conception historique des phénomènes sociaux, l’existence et le développement de la science historique sont impossibles ; seule une telle conception empêche la science historique de devenir un chaos de contingences et un amas d’erreurs absurdes.
Poursuivons. S’il est vrai que le monde se meut et se développe perpétuellement, s’il est vrai que la disparition de l’ancien et la naissance du nouveau sont une loi du développement, il est clair qu’il n’est plus de régimes sociaux « immuables », de « principes éternels » de propriété privée et d’exploitation ; qu’il n’est plus « d’idées éternelles » de soumission des paysans aux propriétaires fonciers, des ouvriers aux capitalistes.
Par conséquent, le régime capitaliste peut être remplacé par un régime socialiste, de même que le régime capitaliste a remplacé en son temps le régime féodal.

Dans son flou, cette formulation devient incorrecte. Plus d'informations à ce sujet plus loin….

Alors que Staline parle continuellement de « forces productives » et ne sait pas clairement s'il parle ou non de « classes », il ne peut qu'être vague (comparez ci-dessous ce que dit à ce sujet «  Socialisme utopique et socialisme scientifique ») sur le sujet. rôle du prolétariat :

Par conséquent, il faut fonder son action non pas sur les couches sociales qui ne se développent plus, même si elles ne représentent pour le moment la force dominante, mais sur les couches sociales qui se développent et qui ont de l’avenir, même si elles ne représentent pas pour le moment la force dominante.
En 1880-1890, à l’époque de la lutte des marxistes contre les populistes, le prolétariat de Russie était une infime minorité par rapport à la masse des paysans individuels qui formaient l’immense majorité de la population. Mais le prolétariat se développait en tant que classe, tandis que la paysannerie en tant que classe se désagrégeait. Et c’est justement parce que le prolétariat se développait comme classe, que les marxistes ont fondé leur action sur lui. En quoi ils ne se sont pas trompés, puisqu’on sait que le prolétariat, qui n’était qu’une force peu importante, est devenu par la suite une force historique et politique de premier ordre.
Par conséquent, pour ne pas se tromper en politique, il faut regarder en avant et non pas en arrière.
Poursuivons. S’il est vrai que le passage des changements quantitatifs lents à des changements qualitatifs brusques et rapides est une loi du développement, il est clair que les révolutions accomplies par les classes opprimées constituent un phénomène absolument naturel, inévitable.
Par conséquent, le passage du capitalisme au socialisme et l’affranchissement de la classe ouvrière du joug capitaliste peuvent être réalisés, non par des changements lents, non par des réformes, mais uniquement par un changement qualitatif du régime capitaliste, par la révolution.

Ceci est également formulé avec négligence. Le communisme est la nouvelle société, pas le socialisme. Le socialisme est la transition du capitalisme au communisme.
Là où Staline déclare que «
la classe ouvrière est ‘libérée’ »…, Engels affirme que « le prolétariat se libère lui-même… et avec lui toute l’humanité » :

En transformant de plus en plus la grande majorité de la population en prolétaires, le mode de production capitaliste crée la puissance qui, sous peine de périr, est obligée d'accomplir ce bouleversement. En poussant de plus en plus à la transformation des grands moyens de production socialisés en propriétés d'État, il montre lui-même la voie à suivre pour accomplir ce bouleversement. Le prolétariat s'empare du pouvoir d'État et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'État. Mais par-là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toutes les différences de classe et oppositions de classes et également l'État en tant qu'État

Engels parle ici du rôle du prolétariat dans la transition de la société bourgeoise (et du capitalisme sur lequel elle repose) vers la nouvelle société, le communisme, où les classes et les différences de classes n'existeront plus. Engels ne dit RIEN sur « une période de transition », rien sur le socialisme. C’est également logique car le socialisme en soi n’est pas une forme de société…
Staline parle SEULEMENT du socialisme comme d’une nouvelle forme de société et ne parle pas du communisme comme de cette nouvelle forme de société. De cette façon, l’insouciance finit par devenir une erreur, comme je l’ai dit plus haut.

Staline : Sur l'importance du matérialisme historique sur l'activité du « parti du prolétariat » :

On conçoit aisément l'importance considérable que prend l'extension des principes du matérialisme philosophique à l'étude de la vie sociale, à l'étude de l'histoire de la société ; on comprend l'importance considérable de l'application de ces principes à l'histoire de la société, à l'activité pratique du parti du prolétariat.
S'il est vrai que la liaison des phénomènes de la nature et leur conditionnement réciproque sont des lois nécessaires du développement de la nature, il s'ensuit que la liaison et le conditionnement réciproque des phénomènes de la vie sociale, eux aussi, sont non pas des contingences, mais des lois nécessaires du développement social.
Par conséquent, la vie sociale, l'histoire de la société cesse d'être une accumulation de "contingences", car l'histoire de la société devient un développement nécessaire de la société et l'étude de l'histoire sociale devient une science.
Par conséquent, l'activité pratique du parti du prolétariat doit être fondée, non pas sur les désirs louables des "individualités d'élite", sur les exigences de la "raison", de la "morale universelle", etc., mais sur les lois du développement social, sur l'étude de ces lois.
Poursuivons. S'il est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance des lois du développement de la nature est une connaissance valable, qui a la signification d'une vérité objective, il s'ensuit que la vie sociale, que le développement social est également connaissable et que les données de la science sur les lois du développement social, sont des données valables ayant la signification de vérités objectives.
Par conséquent, la science de l'histoire de la société, malgré toute la complexité des phénomènes de la vie sociale, peut devenir une science aussi exacte que la biologie par exemple, et capable de faire servir les lois du développement social à des applications pratiques.
Par conséquent, le parti du prolétariat, dans son activité pratique, ne doit pas s'inspirer de quelque motif fortuit que ce soit, mais des lois du développement social et des conclusions pratiques qui découlent de ces lois.
Par conséquent, le socialisme, de rêve d'un avenir meilleur pour l'humanité qu'il était autrefois, devient une science.
Par conséquent, la liaison entre la science et l'activité pratique, entre la théorie et la pratique, leur unité, doit devenir l'étoile conductrice du parti du prolétariat.

Bien sûr, on peut rester apparemment « objectif » et donc « scientifique » avec la « description » : « S'il est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance des lois du développement de la nature est une connaissance valable, qui a la signification d'une vérité objective, il s'ensuit que la vie sociale, que le développement social est également connaissable et que les données de la science sur les lois du développement social, sont des données valables ayant la signification de vérités objectives. », puis, comme le fait Staline, affirmer fermement qu’ « on comprend l'importance considérable de l'application de ces principes à l'histoire de la société, à l'activité pratique du parti du prolétariat. »
Engels souligne particulièrement qu’il s’agit de la manière dont la classe ouvrière acquiert une compréhension de son rôle révolutionnaire historique.
Mais pour Engels dans
«  Socialisme utopique et socialisme scientifique », le matérialisme historique n’est pas seulement « objectivement » scientifique, mais il est aussi « subjectivement » énoncé du point de vue de classe du prolétariat.
Staline parle bien de la tâche du « parti du prolétariat » mais ne dit rien de son caractère d'avant-garde (alors que dans le
Manifeste du Parti communiste, cela est indiqué comme la différence entre le parti communiste et les « autres partis ouvriers »….)

Dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique », les « lois économiques » sont décrites en termes très concrets. Les lois économiques/sociales sont celles de la production marchande et de l’économie marchande. Et puis la raison est donnée pour laquelle ils travaillent de manière indépendante au-dessus de la volonté des gens :

Dans la production marchande telle qu'elle s'était développée au moyen âge, la question ne pouvait même pas se poser de savoir à qui devait appartenir le produit du travail. En règle générale, le producteur individuel l'avait fabriqué avec des matières premières qui lui appartenaient et qu'il produisait souvent lui-même, à l'aide de ses propres moyens de travail et de son travail manuel personnel ou de celui de sa famille. Le produit n'avait nullement besoin d'être approprié d'abord par lui, il lui appartenait de lui-même. La propriété de produits reposait donc sur le travail personnel. Même là où l'on utilisait l'aide d'autrui, celle-ci restait en règle générale accessoire et, en plus du salaire, elle recevait fréquemment une autre rémunération: l'apprenti ou le compagnon de la corporation travaillaient moins pour la nourriture et le salaire que pour leur propre préparation à la maîtrise. C'est alors que vint la concentration des moyens de production dans de grands ateliers et des manufactures, leur transformation en moyens de production effectivement sociaux. Mais les moyens de production et les produits sociaux furent traités comme si, après comme avant, ils étaient restés les moyens de production et les produits d'individus. Si, jusqu'alors, le possesseur des moyens de travail s'était approprié le produit parce que, en règle générale, il était son propre produit et que l'appoint du travail d'autrui était l'exception, le possesseur des moyens de travail continua maintenant à s'approprier le produit bien qu'il ne fût plus son produit, mais exclusivement le produit du travail d'autrui. Ainsi, les produits désormais créés socialement ne furent pas appropriés par ceux qui avaient mis réellement en œuvre les moyens de production et avaient réellement fabriqué les produits, mais par le capitaliste. Moyens de production et production sont devenus essentiellement sociaux; mais on les assujettit à une forme d'appropriation qui présuppose la production privée d'individus, dans laquelle donc chacun possède et porte au marché son propre produit. On assujettit le mode de production à cette forme d'appropriation bien qu'il en supprime la condition préalable 1. Dans cette contradiction qui confère au nouveau mode de production son caractère capitaliste gît déjà en germe toute la grande collision du présent. À mesure que le nouveau mode de production arrivait à dominer dans tous les secteurs décisifs de la production et dans tous les pays économiquement décisifs, et par suite évinçait la production individuelle jusqu'à la réduire à des restes insignifiants, on voyait forcément apparaître d'autant plus crûment l'incompatibilité de la production sociale et de l'appropriation capitaliste.(...)
Nous avons vu que le mode de production capitaliste s'est infiltré dans une société de producteurs de marchandises, producteurs individuels dont la cohésion sociale avait pour Moyen, l'échange de leurs produits. Mais toute société reposant sur la production marchande a ceci de particulier que les producteurs y ont perdu la domination sur leurs propres relations sociales. Chacun produit pour soi, avec ses moyens de production dus au hasard et pour son besoin individuel d'échange. Nul ne sait quelle quantité de son article parviendra sur le marché ni même quelle quantité il en faudra; nul ne sait si son produit individuel trouvera à son arrivée un besoin réel, s'il retirera ses frais ou même s'il pourra vendre. C'est le règne de l'anarchie de la production sociale. Mais la production marchande comme toute autre forme de production a ses lois originales, immanentes, inséparables d'elle; et ces lois s'imposent malgré l'anarchie, en elle, par elle. Elles se manifestent dans la seule forme qui subsiste de lien social, dans l'échange, et elles prévalent en face des producteurs individuels comme lois coercitives de la concurrence. Elles sont donc, au début, inconnues à ces producteurs eux-mêmes et il faut d'abord qu'ils les découvrent peu à peu par une longue expérience. Elles s'imposent donc sans les producteurs et contre les producteurs comme lois naturelles de leur forme de production, lois à l'action aveugle. Le produit domine les producteurs.(...)
C'est la force motrice de l'anarchie sociale de la production qui transforme de plus en plus la grande majorité des hommes en prolétaires et ce sont à leur tour les masses prolétariennes qui finiront par mettre un terme à l'anarchie de la production. C'est la force motrice de l'anarchie sociale de la production qui transforme la perfectibilité infinie des machines de la grande industrie en une loi impé­rative pour chaque capitaliste industriel pris à part, en l'obligeant à perfectionner de plus en plus son machinisme sous peine de ruine. Mais perfectionner les machines, cela signifie rendre du travail humain superflu.

L'explication de Staline du matérialisme historique est en fait une longue paraphrase de la citation de Marx dans « Introduction à la contribution à la critique de l'économie politique ». Staline, comme la citation elle-même, est généraliste quant au développement des sociétés et au mode de production sur lequel elles reposent. La citation de Marx, en elle-même et isolément, ne permet pas vraiment de savoir de quelles sociétés elle parle, si elle concerne uniquement la société historique, ou aussi la nouvelle société « moderne » ou bourgeoise, et si elle concerne également les sociétés futures APRÈS la société civile. . Parce que Staline (contrairement à Marx dans la citation en question) parle du socialisme comme résultat de la révolution et ne dit rien du socialisme comme transition du capitalisme au communisme, Staline propose en fait le socialisme comme une nouvelle forme de société après la société bourgeoise.
Engels parle de la nouvelle société créée sur les fragments de l’ancienne société. Il entend par là le communisme. Il
ne parle pas LUI-MÊME de « la transition » (en tant que période), entre le capitalisme et le communisme.

Une autre différence entre Engels et Staline.
Staline – suivant la citation de Marx – parle des «
forces productives » de manière générale.
Engels parle
spécifiquement et concrètement de la société bourgeoise basée sur le capitalisme et parle des CLASSES, ainsi que de l'émergence du prolétariat comme la « force productive » la plus importante et la plus révolutionnaire de la société bourgeoise :

Depuis l'apparition historique du mode de production capitaliste, la prise de possession de l'ensemble des moyens de production par la société a bien souvent flotté plus ou moins vaguement devant les yeux tant d'individus que de sectes entières, comme idéal d'avenir. Mais elle ne pouvait devenir possible, devenir une nécessité historique qu'une fois données les conditions matérielles de sa réalisation. Comme tout autre progrès social, elle devient praticable non par la compréhension acquise du fait que l'existence des classes contredit à la justice, à l'égalité, etc., non par la simple volonté d'abolir ces classes, mais par certaines conditions économiques nouvelles. La scission de la société en une classe exploiteuse et une classe exploitée, en une classe dominante et une classe opprimée était une conséquence nécessaire du faible développement de la production dans le passé. Tant que le travail total de la société ne fournit qu'un rendement excédant à peine ce qui est nécessaire pour assurer strictement l'existence de tous, tant que le travail réclame donc tout ou presque tout le temps de la grande majorité des membres de la société, celle-ci se divise nécessairement en classes. À côté de cette grande majorité, exclusivement vouée à la corvée du travail, il se forme une classe libérée du travail directement productif, qui se charge des affaires communes de la société: direction du travail, affaires politiques, justice, science, beaux-arts, etc. C'est donc la loi de la division du travail qui est à la base de la division en classes. Cela n'empêche pas d'ailleurs que cette division en classes n'ait été accomplie par la violence et le vol, la ruse et la fraude, et que la classe dominante, une fois mise en selle, n'ait jamais manqué de consolider sa domination aux dépens de la classe travailleuse et de transformer la direction sociale en exploitation des masses.
Mais si, d'après cela, la division en classes a une certaine légitimité historique, elle ne l'a pourtant que pour un temps donné, pour des conditions sociales données. Elle se fondait sur l'insuffisance de la production; elle sera balayée par le plein déploiement des forces productives modernes. Et en effet, l'abolition des classes sociales suppose un degré de développement historique où l'existence non seulement de telle ou telle classe dominante déterminée, mais d'une classe dominante en général, donc de la distinction des classes elle-même, est devenue un anachronisme, une vieillerie. Elle suppose donc un degré d'élévation du développement de la production où l'appropriation des moyens de production et des produits, et par suite, de la domination politique, du monopole de la culture et de la direction intellectuelle par une classe sociale particulière est devenue non seulement une superfétation, mais aussi, au point de vue économique, politique et intellectuel, un obstacle au développement. Ce point est maintenant atteint. Si la faillite politique et intellectuelle de la bourgeoisie n'est plus guère un secret pour elle-même, sa faillite économique se répète régulièrement tous les dix ans. Dans chaque crise, la société étouffe sous le fait de ses propres forces productives et de ses propres produits inutilisables pour elle, et elle se heurte impuissante à cette contradiction absurde: les producteurs n'ont rien à consommer, parce qu'on manque de consommateurs.
La force d'expansion des moyens de production fait sauter les chaînes dont le mode de production capitaliste l'avait chargée. Sa libération de ces chaînes est la seule condition requise pour un développement des forces productives ininterrompu, progressant à un rythme toujours plus rapide, et par suite, pour un accroissement pratiquement sans bornes de la production elle-même. Ce n'est pas tout. L'appropriation. sociale des moyens de production élimine non seulement l'inhibition artificielle de la production qui existe maintenant, mais aussi le gaspillage et la destruction effectifs de forces productives et de produits, qui sont actuellement les corollaires inéluctables de la production et atteignent leur paroxysme dans les crises. En outre, elle libère une masse de moyens de production et de produits pour la collectivité en éliminant la dilapidation stupide que représente le luxe des classes actuellement dominantes et de leurs représentants politiques. La possibilité d'assurer, au moyen de la production sociale, à tous les membres de la société une existence non seulement parfaitement suffisante au point de vue matériel et s'enrichissant de jour en jour, mais leur garantissant aussi l'épanouissement et l'exercice libres et complets de leurs dispositions physiques et intellectuelles, cette possibilité existe aujourd'hui pour la première fois, mais elle existe 2.

DE L'ÈRE DE LA FATALITÉ À L'ÈRE DE LA LIBERTÉ
Avec la prise de possession des moyens de production par la société, la pro­duction marchande est éliminée, et par suite, la domination du produit sur le producteur. L'anarchie à l'intérieur de la production sociale est remplacée par l'organisation planifiée consciente.

La dernière phrase parle de « transition » du capitalisme au communisme. Il est clair que l’abolition de la production marchande (et donc de l’économie marchande) fait partie du « nettoyage des héritages d’une forme de société antérieure ». La production marchande et l’économie marchande doivent donc disparaître sous le socialisme, afin qu’elles n’existent plus sous le communisme.

Staline reste très vague sur ce qui est formulé très clairement, concrètement et clairement dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique ». Il ne dit rien de la disparition de la production marchande et de l’économie marchande :

Suscitées par les nouvelles tâches que pose le développement de la vie matérielle de la société, les idées et théories sociales nouvelles se frayent un chemin, deviennent le patrimoine des masses populaires qu'elles mobilisent et qu'elles organisent contre les forces dépérissantes de la société, facilitant par là le renversement de ces forces qui freinent le développement de la vie matérielle de la société.
C'est ainsi que, suscitées par les tâches pressantes du développement de la vie matérielle de la société, du développement de l'existence sociale, les idées et les théories sociales, les institutions politiques agissent elles-mêmes, par la suite, sur l'existence sociale, sur la vie matérielle de la société, en créant les conditions nécessaires pour faire aboutir la solution des problèmes pressants de la vie matérielle de la société, et rendre possible son développement ultérieur.
Marx a dit à ce propos :
« La théorie devient une force matérielle dès qu'elle pénètre les masses. » (Critique de la philosophie du droit de Hegel.)
Par conséquent, pour avoir la possibilité d'agir sur les conditions de la vie matérielle de la société et pour hâter leur développement, leur amélioration, le parti du prolétariat doit s'appuyer sur une théorie sociale, sur une idée sociale qui traduise exactement les besoins du développement de la vie matérielle de la société, et soit capable, par suite, de mettre en mouvement les grandes masses populaires, capable de les mobiliser et de les organiser dans la grande armée du parti du prolétariat, prête à briser les forces réactionnaires et à frayer la voie aux forces avancées de la société. (…)
C'est ainsi que le matérialisme historique résout le problème des rapports entre l'être social et la conscience sociale, entre les conditions du développement de la vie matérielle et le développement de la vie spirituelle de la société.

3° Le matérialisme historique.
Une question reste à élucider : que faut-il entendre, du point de vue du matérialisme historique, par ces "conditions de la vie matérielle de la société", qui déterminent, en dernière analyse, la physionomie la société, ses idées, ses opinions, ses institutions politiques, etc. ?

Sur la caractère de classe de chaque société, Staline reste vague :

Cela veut dire que l'histoire du développement de la société est, avant tout, l'histoire du développement de la production, l'histoire des modes de production qui se succèdent à travers les siècles, l'histoire du développement des forces productives et des rapports de production entre les hommes.
Par conséquent, l'histoire du développement social est en même temps l'histoire des producteurs des biens matériels, l'histoire des masses laborieuses qui sont les forces fondamentales du processus de production et produisent les biens matériels nécessaires à l'existence de la société.
Par conséquent, la science historique, si elle veut être une science véritable, ne peut plus réduire l'histoire du développement social aux actes des rois et des chefs d'armées, aux actes des "conquérants" et des "asservisseurs" d'États ; la science historique doit avant tout s'occuper de l'histoire des producteurs des biens matériels, de l'histoire des masses laborieuses, de l'histoire des peuples.
Par conséquent, la clé qui permet de découvrir les lois de l'histoire de la société, doit être cherchée non dans le cerveau des hommes, non dans les opinions et les idées de la société, mais dans le mode de production pratiqué par la société à chaque période donnée de l'histoire, dans l'économique de la société.
Par conséquent, la tâche primordiale de la science historique est l'étude et la découverte des lois de la production, des lois du développement des forces productives et des rapports de production, des lois du développement économique de la société.
Par conséquent, le parti du prolétariat, s'il veut être un parti véritable, doit avant tout acquérir la science des lois du développement de la production, des lois du développement économique de la société.
Par conséquent, pour ne pas se tromper en politique, le parti du prolétariat, dans l'établissement de son programme aussi bien que dans son activité pratique, doit avant tout s'inspirer des lois du développement de la production, des lois du développement économique de la société.
c) La deuxième particularité de la production, c'est que ses changements et son développement commencent toujours par le changement et le développement des forces productives et, avant tout, des instruments de production. Les forces productives sont, par conséquent, l'élément le plus mobile et le plus révolutionnaire de la production. D'abord se modifient et se développent les forces productives de la société ; ensuite, en fonction et en conformité de ces modifications, se modifient les rapports de production entre les hommes, leurs rapports économiques.

Puisque Staline, suivant la citation de Marx, parle principalement de manière générale des sociétés et de leur développement, il ne parle pas de la société pré-bourgeoise (société féodale) et de la société bourgeoise qui en a émergé. Il ne dit donc rien sur les origines de la production MARCHANDE et de l'économie MARCHANDE. Puisque dans la production marchande et l'économie marchande (en raison de la manière dont elles se sont développées historiquement - voir Engels à ce sujet) des lois existent, indépendamment de la volonté humaine, ... « Par conséquent, le parti du prolétariat, s'il veut être un parti véritable, doit avant tout acquérir la science des lois du développement de la production, des lois du développement économique de la société.
Par conséquent, pour ne pas se tromper en politique, le parti du prolétariat, dans l'établissement de son programme aussi bien que dans son activité pratique, doit avant tout s'inspirer des lois du développement de la production, des lois du développement économique de la société. ». ... une vague déclaration d'intention, dont on ne sait pas clairement si elle concerne uniquement la tâche du "parti du prolétariat" dans la société bourgeoise, ou aussi pour la société ultérieure (où Staline parle alors de socialisme) et dans dans quelle mesure cette production marchande et cette économie marchande existeraient (encore) là-bas...
Nous verrons plus tard comment cette formulation « peu claire » (opportuniste) est utilisée pour développer... révisionnisme.
Tout au long de son explication, il ne mentionne pas les classes ou la lutte des classes, arrivant ainsi à un concept de « parti » qui, AVANT TOUT, ne mobilise pas la classe ouvrière et n’organise pas l’avant-garde de la classe ouvrière.

Dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique », Engels parle très clairement du rôle historique du prolétariat (et donc aussi de la tâche du parti du prolétariat – telle qu'elle est formulée dans le Manifeste du Parti communiste) :

3. - RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE.
- Résolution des contradictions: le prolétariat s'empare du pouvoir public et, en vertu de ce pouvoir, transforme les moyens de production sociaux qui échappent des mains de la bourgeoisie en propriété publique. Par cet acte, il libère les moyens de production de leur qualité antérieure de capital et donne à leur caractère social pleine liberté de s’imposer. Une production sociale suivant un plan prédéterminé est désormais possible. Le développement de la production fait de l’existence ultérieure de classes sociales différentes un anachronisme. Dans la mesure où l’anarchie de la production sociale disparaît, l’autorité politique de l’État entre en sommeil. Les hommes, enfin maîtres de leur propre socialisation, deviennent aussi par là même, maîtres de la nature, maître d’eux-mêmes, libres.
Accomplir cet acte libérateur du monde, voilà la mission historique du prolétariat moderne. En approfondir les conditions historiques et par là, la nature même, et ainsi donner à la classe qui a mission d’agir, classe aujourd’hui opprimée, la conscience des conditions et de la nature de sa propre action, voilà la tâche du socialisme scientifique, expression théorique du mouvement prolétarien.

À propos de l’opportunisme tel que formulé ici dans Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique

Staline conclut son livre par :

Dans la préface historique de son célèbre ouvrage Contribution à la critique de l'économie politique (1859), Marx donne une définition géniale de l'essence même du matérialisme historique :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production qui correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports de production constitue la structure

économique de la société, la base réelle sur quoi s'élève une superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel, en général. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence ; c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports deviennent des entraves pour ces forces. Alors s'ouvre une époque de révolutions sociales. Le changement de la base économique bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la formidable superstructure. Lorsqu'on étudie ces bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel, — constaté avec une précision propre aux sciences naturelles, — des conditions économiques de la production, et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans lesquelles les hommes conçoivent ce conflit et le combattent. De même qu'on ne peut juger un individu sur l'idée qu'il a de lui même, on ne peut juger une semblable époque de bouleversements sur sa conscience : mais il faut expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives de la société et les rapports de production. Une formation sociale ne meurt jamais avant que soient développées toutes les forces productives auxquelles elle peut donner libre cours ; de nouveaux rapports de production, supérieurs aux anciens, n'apparaissent jamais avant que leurs conditions matérielles d'existence n'aient mûri au sein de la vieille société.
C'est pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle peut résoudre ; car, à mieux considérer les choses, il s'avérera toujours que le problème lui-même ne surgit que lorsque les conditions matérielles de sa solution existent déjà ou tout au moins sont en formation. »

Alors que dans « Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique », l'explication du matérialisme historique par Staline n'est qu'une élaboration, une paraphrase étendue de cette citation.

Qu’est-ce qui ressort de cette citation de Marx lorsque vous la comparez au Manifeste du Parti communiste et à l’explication du matérialisme historique dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique » ?

La « définition géniale » de Marx (comme l'appelle Staline) est générale et nulle part elle ne dit quoi que ce soit sur la société de classes, les classes et la lutte des classes.
Il s’agit en fait (très généralement) de l’histoire des sociétés successives…. cela dure jusqu’au moment où Marx écrit cette citation.
Il ne dit rien sur une société FUTURE, rien sur le communisme.
Parce que Marx parle de manière très générale de sociétés qui se succèdent, le terme «
forces productives » désigne simplement ce qui, dans une société particulière, appartient au mode de production et de distribution au sein de cette société respective.
Le CONTENU de ce qui constitue les «
forces productives » est donc différent dans chaque société. Marx parle donc de manière très générale de « forces productives », rien de plus.
En fin de compte, dans la citation en question, Marx ne dit rien de concret sur la société bourgeoise, comme il le fait dans
«  Socialisme utopique et socialisme scientifique » ...

Là où Engels indique clairement dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique » que dans la société bourgeoise basée sur le capitalisme, la force productive la plus importante est la classe ouvrière.
Dans la société bourgeoise développée avec ses relations de production capitalistes développés, les forces productives (... en effet la science et la technologie, mais
avant tout la classe ouvrière) atteignent un point où elles sont inhibées dans leur développement ultérieur. Ceci est expliqué très concrètement dans «  Socialisme utopique et socialisme scientifique » et dans Le Manifeste du Parti communiste.
Dans d'autres textes de Marx et Engels (et Lénine), il est précisé ce qu'est le « socialisme » : c'est APRÈS la rupture des relations de production capitalistes par les forces productives les plus révolutionnaires de la société bourgeoise, à savoir la classe ouvrière, que la «
(période) transition » au communisme, où les gens ne se feront plus face dans un certain rapport de production, car il n'y aura plus de classes, ... donc pas non plus de « relations de production ».
Mais dans la citation en question de l’Introduction à la Contribution à la critique de l’économie politique, Marx ne dit RIEN sur ce que c’est dans le socialisme ou après le communisme.

MAIS : Marx lui-même était-il « opportuniste » dans cette citation ?

Mais Marx lui-même est-il opportuniste, en ne parlant pas de classes et en ne parlant pas CONCRÈTEMENT de la société bourgeoise... ?
Non, ce sont les « analystes » qui basent leur « analyse » sur cette citation qui sont opportunistes !
Ils sont opportunistes car ils sortent cette citation de son contexte puis VEILLENT AU SILENCE sur ce contexte car leur intention est de lui donner un sens différent SANS son contexte. C'est une forme de dogmatisme !

QUEL est le contexte de cette citation ?

Cette citation vient de l’« Introduction à la « Contribution à la critique de l’économie politique » » dans laquelle Marx écrit sur le sujet du livre « Contribution à la critique de l’économie politique » :

J'examine le système de l'économie bourgeoise dans l'ordre suivant : capital, propriété fon­cière, travail salarié, État, commerce extérieur, marché mondial. Sous les trois premières rubri­ques, j'étudie les conditions d'existence économiques des trois grandes classes en lesquelles se divise la société bourgeoise moderne; la liaison des trois autres rubriques saute aux yeux. La première section du livre premier, qui traite du capital, se compose des chapitres suivants : 1º la marchandise; 2º la monnaie ou la circulation simple; 3° le capital en général. Les deux premiers chapitres forment le contenu du présent volume. J'ai sous les yeux l'ensemble de la documentation sous forme de monographies jetées sur le papier à de longs intervalles pour mon propre éclaircissement, non pour l'impression, et dont l'élaboration systématique, selon le plan indiqué, dépendra des circonstances.
Je supprime une introduction générale que j'avais ébauchée
3 parce que, réflexion faite, il me paraît qu'anticiper sur des résultats qu'il faut d'abord démontrer ne peut être que fâcheux et le lecteur qui voudra bien me suivre devra se décider à s'élever du singulier au général. Quelques indications, par contre, sur le cours de mes propres études d'économie politique me semblent être ici à leur place.

L'introduction générale, qui devait donner un aperçu du livre, a ensuite été simplement ajoutée comme chapitre supplémentaire au livre... Au lieu de cela, Marx veut simplement expliquer comment il en est arrivé à écrire ce livre…. (et pas seulement des « contributions à la critique de l’économie politique » mais in fine des trois parties du « Capital »)
Et donc il explique :

Le premier travail que j'entrepris pour résoudre les doutes qui m'assaillaient fut une révision critique de la Philosophie du droit, de Hegel, travail dont l'introduction parut dans les Deutsch-Französiche Jahrbücher, publiés à Paris, en 1844. Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques - ainsi que les formes de l'État - ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l'esprit humain, mais qu'ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d'existence matérielles dont Hegel, à l'exemple des Anglais et des Français du XVIII° siècle, comprend l'ensemble sous le nom de « société civile », et que l'anatomie de la société civile doit être cherchée à son tour dans l'économie politique. J'avais commencé l'étude de celle-ci à Paris et je la continuai à Bruxelles où j'avais émigré à la suite d'un arrêté d'expulsion de M. Guizot. Le résultat général auquel j'arrivai et qui, une fois acquis, servit de fil conducteur à mes études, peut brièvement se formuler ainsi :

ET SUIT ENSUITE LE TEXTE QUI EST TOUJOURS UTILISÉ POUR Citer (OU QUI PARFOIS NE cite QUE QUELQUES PHRASES)… ou sert à PARAPHRASER…..
Mais Marx expose simplement ses idées, qui ont servi de ligne directrice à ses «
études politico-économiques ».
Là où Staline parle de la «
définition géniale » de Marx, Lénine parle dans « Que sont les « amis du peuple » et comment luttent-ils contre les sociaux-démocrates » (1894) de l'HYPOTHÈSE de Marx qui a constitué la base du Capital.
Mais APRÈS le morceau de texte toujours cité, Marx va encore plus loin dans son « introduction » (et là il parle spécifiquement de la société bourgeoise) :

Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens d'une contradiction individuelle, mais d'une contradiction qui naît des conditions d'existence sociale des individus; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s'achève donc la préhistoire de la société humaine.
Friedrich Engels, avec qui,(…) 'entretenais par écrit un constant échange d'idées, était arrivé par une autre voie (comparez sa Situation des classes laborieuses en Angleterre) au même résultat que moi-même, et quand, au printemps de 1845, il vint lui aussi s'établir à Bruxelles, nous résolûmes de travailler en commun à dégager l'antagonisme existant entre notre manière de voir et la conception idéologique de la philosophie allemande, (…) Ce dessein fut réalisé sous la forme d'une critique de la philosophie post-hégélienne. (..) des circonstances nouvelles n'en permettaient plus l'impression. (…) nous avions atteint notre but principal, voir clair en nous-mêmes. Des travaux épars dans lesquels nous avons exposé au public à cette époque nos vues sur diverses questions, je ne mentionnerai que le Manifeste du Parti communiste, rédigé par Engels et moi en collaboration, et le Discours sur le libre-échange publié par moi. Les points décisifs de notre manière de voir ont été pour la première fois ébauchés scientifiquement, encore que sous forme polémique, dans mon écrit, paru en 1847, et dirigé contre Proudhon : Misère de la philosophie, etc. (….) …. mes études économiques, que je ne pus reprendre qu'en 1850 à Londres. La prodigieuse documentation sur l'histoire de l'économie politique amoncelée au British Museum, le poste favorable qu'offre Londres pour l'observation de la société bourgeoise, et, enfin, le nouveau stade de développement où celle-ci paraissait entrer avec la découverte de l'or californien et australien, me décidèrent à recommencer par le commencement et à étudier à fond, dans un esprit critique, les nouveaux matériaux. (…)
Par cette esquisse du cours de mes études sur le terrain de l'économie politique, j'ai voulu montrer seulement que mes opinions, de quelque manière d'ailleurs qu'on les juge et pour si peu qu'elles concordent avec les préjugés intéressés des classes régnantes, sont le résultat de longues et consciencieuses études.

« Le résultat de longues et consciencieuses études » serait enfin (APRÈS l’étude préliminaire dans « Contribution à la critique de l’économie politique »)Capital tomes 1,2 et 3.
Son étude, basée sur les idées exprimées dans l’INTRODUCTION de la « Contribution à la critique de l’économie politique », a conduit à formuler ce que cela signifiait CONCRÈTEMENT pour la société civile. Il est frappant que CE texte (voir ci-dessous) de la première partie du Capital ne soit pas utilisé pour « citer » au lieu de l’INTRODUCTION de la « Contribution à la critique de l’économie politique ».
Dans la citation de « introduction … » (dans lequel, comme mentionné, Marx ne parlait que d’une APERÇU GÉNÉRAL auquel il était parvenu) Marx formule une formulation GÉNÉRALE des « forces de production et des rapports de production ».
En utilisant cette même citation de Marx (et d'une INTRODUCTION !), il SEMBLE que les « forces productives » sont quelque chose qui est TOUJOURS les mêmes, quelle que soit la forme de société, et en délimitant clairement la citation (et en cachant tout contexte). ) IL SEMBLE, ou SEMBLE, que Marx le confirme.
Mais en lisant TOUTE cette « Introduction », on apprend que Marx n’a formulé qu’un RÉSUMÉ GÉNÉRAL pour clarifier l’idée à laquelle il était parvenu, une idée qui l’a finalement conduit à écrire le LIVRE « Contribution à la critique de l’économie politique ».

Dans le LIVRE « Contribution à la critique de l’économie politique » et plus tard dans Le Capital, cet APERÇU a conduit à l’analyse de la société BOURGEOISE, en analysant le système de production SUR LEQUEL cette société bourgeoise était fondée : le capitalisme.
Cette analyse le conduit maintenant à une formulation CONCRÈTE des «
forces productives » et des « relations de production » et comment les « forces productives » doivent BRISER les « relations de production », car ceux-la inhibe et arrête leur développement, ici dans le Capital:

Chapitre XXXII : Tendance historique de l’accumulation capitaliste
Ainsi donc ce qui gît au fond de l'accumulation primitive du capital, au fond de sa genèse historique, c'est l'expropriation du producteur immédiat, c'est la dissolution de la propriété fondée sur le travail personnel de son possesseur.
La propriété privée, comme antithèse de la propriété collective, n’existe que là où les instruments et les autres conditions extérieures du travail appartiennent à des particuliers. Mais selon que ceux-ci sont les travailleurs ou les non-travailleurs, la propriété privée change de face. Les formes infiniment nuancées qu'elle affecte à première vue ne font que réfléchir les états intermédiaires entre ces deux extrêmes.
La propriété privée du travailleur sur les moyens de son activité productive est le corollaire de la petite industrie, agricole ou manufacturière, et celle-ci constitue la pépinière de la production sociale, l'école où s'élaborent l'habileté manuelle, l'adresse ingénieuse et la libre individualité du travailleur. Certes, ce mode de production se rencontre au milieu de l'esclavage, du servage et d'autres états de dépendance. Mais il ne prospère, il ne déploie toute son énergie, il ne revêt sa forme intégrale et classique que là où le travailleur est le propriétaire libre des conditions de travail qu'il met lui-même en œuvre, le paysan, du sol qu'il cultive, l'artisan, de l'outillage qu'il manie, comme le virtuose, de son instrument.

Ce régime industriel de petits producteurs indépendants, travaillant à leur compte, présuppose le morcellement du sol et l'éparpillement des autres moyens de production. Comme il en exclut la concentration, il exclut aussi la coopération sur une grande échelle, la subdivision de la besogne dans l'atelier et aux champs, le machinisme, la domination savante de l'homme sur la nature, le libre développement des puissances sociales du travail, le concert et l'unité dans les fins, les moyens et les efforts de l'activité collective. Il n'est compatible qu'avec un état de la production et de la société étroitement borné. L'éterniser, ce serait, comme le dit pertinemment Pecqueur, « décréter la médiocrité en tout ». Mais, arrivé à un certain degré, il engendre de lui-même les agents matériels de sa dissolution. A partir de ce moment, des forces et des passions qu'il comprime, commencent à s'agiter au sein de la société. Il doit être, il est anéanti. Son mouvement d'élimination transformant les moyens de production individuels et épars en moyens de production socialement concentrés, faisant de la propriété naine du grand nombre la propriété colossale de quelques-uns, cette douloureuse, cette épouvantable expropriation du peuple travailleur, voilà les origines, voilà la genèse du capital. Elle embrasse toute une série de procédés violents, dont nous n'avons passé en revue que les plus marquants sous le titre de méthodes d'accumulation primitive.

L'expropriation des producteurs immédiats s'exécute avec un vandalisme impitoyable qu'aiguillonnent les mobiles les plus infâmes, les passions les plus sordides et les plus haïssables dans leur petitesse. La propriété privée, fondée sur le travail personnel, cette propriété qui soude pour ainsi dire le travailleur isolé et autonome aux conditions extérieures du travail, va être supplantée par la propriété privée capitaliste, fondée sur l'exploitation du travail d'autrui, sur le salariat4.
Dès que ce procès de transformation a décomposé suffisamment et de fond en comble la vieille société, que les producteurs sont changés en prolétaires, et leurs conditions de travail, en capital, qu'enfin le régime capitaliste se soutient par la seule force économique des choses, alors la socialisation ultérieure du travail, ainsi que la métamorphose progressive du sol et des autres moyens de production en instruments socialement exploités, communs, en un mot, l'élimination ultérieure des propriétés privées, va revêtir une nouvelle forme. Ce qui est maintenant à exproprier, ce n'est plus le travailleur indépendant, mais le capitaliste, le chef d'une armée ou d'une escouade de salariés.

Cette expropriation s'accomplit par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste, lesquelles aboutissent à la concentration des capitaux. Corrélativement à cette centralisation, à l'expropriation du grand nombre des capitalistes par le petit, se développent sur une échelle toujours croissante l'application de la science à la technique, l'exploitation de la terre avec méthode et ensemble, la transformation de l'outil en instruments puissants seulement par l'usage commun, partant l'économie des moyens de production, l'entrelacement de tous les peuples dans le réseau du marché universel, d'où le caractère international imprimé au régime capitaliste. A mesure que diminue le nombre des potentats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de cette période d'évolution sociale, s'accroissent la misère, l'oppression, l'esclavage, la dégradation, l'exploitation, mais aussi la résistance de la classe ouvrière sans cesse grossissante et de plus en plus disciplinée, unie et organisée par le mécanisme même de la production capitaliste. Le monopole du capital devient une entrave pour le mode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La socialisation du travail et la centralisation de ses ressorts matériels arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L'heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés5.

L'appropriation capitaliste, conforme au mode de production capitaliste, constitue la première négation de cette propriété privée qui n'est que le corollaire du travail indépendant et individuel. Mais la production capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité qui préside aux métamorphoses de la nature. C'est la négation de la négation. Elle rétablit non la propriété privée du travailleur, mais sa propriété individuelle, fondée sur les acquêts de, l'ère capitaliste, sur la coopération et la possession commune de tous les moyens de production, y compris le sol.
Pour transformer la propriété privée et morcelée, objet du travail individuel, en propriété capitaliste, il a naturellement fallu plus de temps, d'efforts et de peines que n'en exigera la métamorphose en propriété sociale de la propriété capitaliste, qui de fait repose déjà sur un mode de production collectif. Là, il s'agissait de l'expropriation de la masse par quelques usurpateurs; ici, il s'agit de l'expropriation de quelques, usurpateurs par la masse.

Dans une prochaine analyse, je parlerai de la manière dont l'opportunisme de « Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique » a conduit à l'opportunisme des « Problèmes économiques du socialisme en Union soviétique » de Staline.
Ensuite, j'analyserai comment cet opportunisme a été « utilisé » par des éléments bourgeois du PCUS et aussi du PCC pour développer leur ligne révisionniste (= ligne bourgeoise formulée dans des expressions à consonance marxiste), et comment cela a conduit à la restauration de la dictature bourgeoise et le capitalisme en Union soviétique et en République populaire de Chine.

1Il est inutile d'expliquer ici que même si la forme de l'appropriation reste la même, le caractère de l'appropriation n'est pas moins révolutionné que la production par le processus décrit ci‑dessus. Que je m'approprie mon propre produit ou le produit d'autrui, cela fait naturellement deux genres très différents d'appropriation. Ajoutons en passant ceci: le travail salarié dans lequel est déjà en germe tout le mode de production capitaliste est très ancien; à l'état sporadique et disséminé, il a coexisté pendant des siècles avec l'esclavage. Mais ce germe n'a pu se développer pour devenir le mode de production capitaliste que le jour où les conditions historiques préalables ont été réalisées. (F. E.)

2Quelques chiffres pourront donner une idée approximative de l'énorme force d'expan­sion des moyens de production modernes, même sous la pression capitaliste.

D'après les derniers calculs de Giffen, la richesse totale de l'Angleterre et de l'Irlande atteignait en chiffres ronds:

en 1814 : 2 200 millions de livres = 44 milliards de marks

en 1865 : 6 100 millions de livres = 122 milliards de marks

en 1875 : 8 500 millions de livres = 170 milliards de marks

Quant à la dévastation de moyens de production et de produits dans les crises, le IIe congrès des industriels allemands à Berlin, le 21 février 1878, a estimé la perte totale rien que pour l'industrie sidérurgique allemande au cours du dernier krach, à 455 millions de marks. (F. E.)

3 Voir le texte intitulé : Introduction à la critique de l’économie politique daté de 1857. (N. R.)

4 «Nous sommes... dans une condition tout à fait nouvelle de la société... nous tendons à séparer complètement toute espèce de propriété d'avec toute espèce de travail. » (Sismondi : Nouveaux principes de l’Econ. polit., t. Il, p. 434.)

5 «Le progrès de l'industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers, résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus elles sont réactionnaires. elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. » (Karl Marx et Friedrich Engels : Manifeste du Parti communiste, Lond., 1847 p. 9, 11.)