De
nombreux membres des partis communistes ont basé leur formation à
l'application du marxisme sur « Le
matérialisme dialectique et le matérialisme historique
» de Staline. Même si une prise de position était CONTRE Staline,
le CONTENU de la formation, explication ou base idéologique, était
celui de cet ouvrage. Souvent, les gens ne savaient pas que c’était
l’œuvre de Staline. Par exemple, tout cela apparaît dans le livre
reconnu par le CC du PCUS, « L’histoire
du Parti communiste de l’Union soviétique (bolcheviks)
» dans le cadre d’un chapitre sur l’idéologie des bolcheviks….
Où
« Que
faire ? »
était généralement pris comme base sur laquelle fonder le concept
de parti, le contenu du livret de Staline a continué à être
utilisé pour « éduquer » les membres au marxisme.
La
ligne idéologique et politique de l’œuvre de Staline était (et
est) sujette à l’opportunisme. Pour beaucoup de ceux qui fondaient
leur éducation marxiste uniquement sur ce travail, cela n’était
pas « visible » s’ils ne prenaient pas la peine d’étudier «
Socialisme
utopique et socialisme scientifique
» (d’Engels). Parce qu’il n’était pas « visible » pour de
nombreux membres, cet opportunisme (qui s’était déjà bien
répandu) pouvait être utilisé pour introduire (à terme) une ligne
bourgeoise dans le parti (capturée dans des phrases à consonance
marxiste, simplement reprises du livret de Staline). En particulier,
la citation de Marx tirée de «
l'Introduction de la Contributions à la Critique de l'Économie
Politique
» a été utilisée, mais avec laquelle Staline lui-même a conclu «
Le
matérialisme dialectique et le matérialisme historique
», pour être distillée et paraphrasée…. ou seulement quelques
phrases ont été citées de cette citation elle-même.
Bien
que cela puisse être analysé en détail par la suite, je voudrais
maintenant développer quelques points à la lumière de la nécessité
de la fondation d’un parti communiste et de la détermination de sa
ligne politique, car c'est important pour son travail.
À
mon avis, le révisionnisme se développe au sein du parti communiste
sur la base d’un opportunisme inaperçu, méconnu et donc
incontesté au sein du parti. L’opportunisme peut se développer à
cause d’un manque de connaissances sur la manière d’appliquer le
marxisme, ou en ne partant pas consciemment d’un point de vue de
classe prolétarien (en ce qui concerne son rôle révolutionnaire
historique). Ne pas faire un choix conscient de partir d’une
position de classe prolétarienne, par exemple en raison de la «
paresse mentale » petite-bourgeoise d’étudier et d’analyser de
manière approfondie et concrète, peut aussi être la cause du
développement de l’opportunisme.
On
prend position à l’avance ou on prend une décision à l’avance.
Ensuite, on recherche des citations ou des morceaux de texte qui
(surtout s'ils sont sortis de leur contexte) semblent confirmer cette
position ou cette décision.
Ce
n'est plus de l'opportunisme, mais du RÉVISIONNISME si c'est une
pratique CONSCIENTE.
C’est
quand on a une position biaisée (bourgeoise) qu’on veut imposer au
parti communiste. On utilise une connaissance encyclopédique des
œuvres marxistes pour trouver quelque part une citation ou un
morceau de texte qui (sorti de son contexte) confirme cette position
biaisée. Les révisionnistes utiliseront certainement des positions
opportunistes déjà développées.
Là
où Staline a toujours défendu la poursuite de la lutte des classes
sous le socialisme (et a ainsi reconnu la survie – encore – des
classes sous le socialisme… donc aussi de la bourgeoisie), ainsi
que la reconnaissance du socialisme comme une « transition » du
capitalisme au communisme et donc à la nécessité de la dictature
du prolétariat, la formulation de ce qu'est le matérialisme
historique dans « Le
matérialisme dialectique et le matérialisme historique
» conduit au flou sur ces questions.
Un
exemple concret est le PTB, dont j'ai analysé le développement du
révisionnisme basé sur un opportunisme généralisé en 10-9-2020
Le PTB parle (dans "Socialisme 2.0") de "CHANGEMENT DE
PARADIGME", je l'appelle plutôt "RÉVISIONISME"
C'est
cette vision opportuniste de « l'application du marxisme » comme
celle dans « Le
matérialisme dialectique et le matérialisme historique »
qui a conduit à l'opportunisme dans l'analyse des « Problèmes
économiques du socialisme en URSS
»
Nous
montrerons plus loin comment le révisionnisme a pu se développer
ultérieurement sur la base de cet opportunisme, tant au sein du PCUS
que du PCC.
Car
le révisionnisme (qui a finalement conduit à des positions qui se
sont retournées CONTRE la position initialement correcte,
révolutionnaire et prolétarienne de Staline) a profité des erreurs
opportunistes de Staline pour finalement développer une ligne
bourgeoise qui a finalement RESTAURÉ la dictature bourgeoise et le
capitalisme (à la fois en Union soviétique et en République
populaire de Chine). Chine).
Analyser
comment Staline est venu de développer cet opportunisme peut
constituer un sujet d’étude distinct.
L’attitude opportuniste dans « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » est particulièrement évidente lorsque nous comparons « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » avec « Socialisme utopique et socialisme scientifique » d’Engels.
Staline
sur le matérialisme historique: « Le
matérialisme historique étend les principes de du matérialisme
dialectique à l’étude de la vie sociale ; il applique ces
principes aux phénomènes de la vie sociale, à l’étude de la
société, à l’étude de l’histoire de la société. »
Dans
son livre, il définira d’abord ce qu’est la dialectique, puis ce
qu’est le matérialisme, et parlera ensuite, de manière très
générale, de ce qu’implique le matérialisme historique.
Engels,
dans l'introduction de l'édition de 1882 «
Socialisme utopique et socialisme scientifique »,
parle de : « La
vision matérialiste de l'histoire et son application particulière à
la lutte de classes moderne entre le prolétariat et la bourgeoisie
n'ont été possibles que grâce à la dialectique.
»
Dans
l'introduction de l'édition de 1892, il déclare donc : « Cette
brochure défend ce que nous nommons le «matérialisme
historique»,...
» Autrement dit. Il parle du matérialisme historique comme d'une «
arme » permettant au prolétariat de connaître la société
bourgeoise, afin de développer sa lutte de classe contre elle. Ce
matérialisme historique, explique-t-il, a un aspect dialectique et
un aspect matérialiste.
Dans
la même introduction, il affirme qu'en ce qui concerne l'analyse de
l'économie/mode de production qui constitue la base de la société
civile, clairement et concrètement :
Les
termes économiques employés dans ce livre correspondent, dans la
mesure où ils sont nouveaux, à ceux de l'édition anglaise du
Capital de Marx. Nous désignons par «production des marchandises»
cette phase de l'économie dans laquelle les denrées ne sont pas
produites seulement pour l'usage du producteur, mais en vue de
l'échange, c'est-à-dire comme marchandises, et non comme valeurs
d'usage. Cette phase s'étend depuis les premiers débuts de la
production pour l'échange jusqu'à nos jours; elle n'atteint son
plein développement qu'avec la production capitaliste, c'est-à-dire
avec les conditions dans lesquelles le capitaliste, propriétaire des
moyens de production, occupe pour un salaire des ouvriers, gens
privés de tout moyen de production à l'exception de leur propre
force de travail, et empoche l'excédent du prix de vente des
produits sur ses dépenses.
Nous
divisons l'histoire de la production industrielle, depuis le moyen
âge, en trois périodes:
1-
L'artisanat, petits maîtres-artisans assistés de quelques
compagnons et apprentis, où chaque ouvrier fabrique l'article
entier.
2-
La manufacture, où un assez grand nombre d'ouvriers, groupés dans
un grand atelier, fabrique l'article entier selon le principe de la
division du travail, c'est-à-dire que chaque ouvrier n'exécute
qu'une opération partielle, de sorte que le produit n'est terminé
qu'après avoir passé successivement entre les mains de tous.
3-
L'industrie moderne, où le produit est fabriqué par une force, et
où le travail de l'ouvrier se borne à la surveillance et à la
correction des opérations accomplies par la mécanique.
Staline ne parle pas de l’économie marchande et de la production marchande, car il ne parle pas spécifiquement de la société bourgeoise. Il parle de manière générale des différentes formes de société. C’est pourquoi il ne peut être que général sur l’économie :
Il suit de là que la production, le mode de production englobe tout aussi bien les forces productives de la société que les rapports de production entre les hommes, et est ainsi l’incarnation de leur unité dans le processus de production des biens matériels.
Engels précise alors très précisément dans la même introduction de 1892 :
...(le) mot matérialisme historique pour désigner une conception de l'histoire qui recherche la cause première et le grand moteur de tous les événements historiques importants dans le développement économique de la société, dans la transformation des modes de production et d'échange, dans la division de la société en classes qui en résulte et dans les luttes de ces classes entre elles.
Il commence la première chapitre (« SOCIALISME UTOPIQUE ») avec:
Par son contenu, le socialisme moderne est, avant tout, le produit de la prise de conscience, d'une part, des oppositions de classes qui règnent dans la société moderne entre possédants et non-possédants, salariés et bourgeois, d'autre part, de l'anarchie qui règne dans la production.
Et dit à la fin du chapitre :
La manière de voir des utopistes a longtemps dominé les idées socialistes du XIXe siècle et les domine encore en partie. Elle était encore, il y a peu de temps, celle de tous les socialistes anglais et français; c'est à elle que se rattachent les premiers socialistes allemands, Weitling compris. Le socialisme est l'expression de la vérité, de la raison et de la justice absolues, et il suffit qu'on le découvre pour qu'il conquière le monde par la vertu de sa propre force; comme la vérité absolue est indépendante du temps, de l'espace et du développement de l'histoire humaine, la date et le lieu de sa découverte sont un pur hasard. Cela étant, la vérité, la raison et la justice absolues redeviennent différentes avec chaque fondateur d'école; et comme l'espèce de vérité, de raison et de justice absolues qui est particulière à chacun d'eux dépend de son entendement subjectif, de ses conditions de vie, du degré de ses connaissances et de la formation de sa pensée, la seule solution possible à ce conflit de vérités absolues, c'est qu'elles s'usent l'une contre l'autre. Rien d'autre ne pouvait sortir de là qu'une espèce de socialisme éclectique moyen, comme celui qui règne, aujourd'hui encore, en fait, dans l'esprit de la plupart des ouvriers socialistes de France et d'Angleterre: un mélange, admettant la plus grande variété de nuances, où entrent, dans ce qu'elles ont de moins insolite, les observations critiques des divers fondateurs de secte, leurs thèses économiques et leurs peintures de la société future; et ce mélange s'opère d'autant plus facilement que, dans chaque élément composant, les arêtes vives de la précision ont été émoussées au fil des débats comme les galets au fil du ruisseau. Pour faire du socialisme une science, il fallait d'abord le placer sur un terrain réel.
Staline fait référence en un seul endroit avec une courte citation au livre « Socialisme utopique et socialisme scientifique » :
A
propos du problème de la matière et de la pensée, Marx écrit :
«
On ne saurait séparer la pensée de la matière pensante. Cette
matière est le substratum de tous les changements qui s'opèrent.»
(Fr. Engels : Socialisme utopique et socialisme scientifique,
Introduction.)
Cette citation de Marx semble un peu énigmatique sans contexte. Marx répond à une certaine idée fausse sur le matérialisme. Par exemple, avant cette citation de Marx dans « Socialisme utopique et socialisme scientifique », il est dit :
Le matérialisme est le vrai fils de la Grande-Bretagne. Déjà son scolastique Duns Scot s'était demandé « si la matière ne pouvait pas penser »
Et Staline conclut « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » par :
Dans
la préface historique de son célèbre ouvrage Contribution
à la critique de l'économie politique
(1859), Marx donne une définition géniale de l'essence même du
matérialisme historique :
«
Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en
des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur
volonté ; ces rapports de production qui correspondent à un degré
de développement donné de leurs forces productives matérielles.
L'ensemble de ces rapports de production constitue la
structure
économique
de la société, la base réelle sur quoi s'élève une
superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent
des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production
de la vie matérielle conditionne le processus de vie social,
politique et intellectuel, en général. Ce n'est pas la conscience
des hommes qui détermine leur existence ; c'est au contraire leur
existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré
de leur développement, les forces productives matérielles de la
société entrent en contradiction avec les rapports de production
existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les
rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues
jusqu'alors. De formes de développement des forces productives
qu'ils étaient, ces rapports deviennent des entraves pour ces
forces. Alors s'ouvre une époque de révolutions sociales. Le
changement de la base économique bouleverse plus ou moins lentement
ou rapidement toute la formidable superstructure. Lorsqu'on étudie
ces bouleversements, il faut toujours distinguer entre le
bouleversement matériel, — constaté avec une précision propre
aux sciences naturelles, — des conditions économiques de la
production, et les formes juridiques, politiques, religieuses,
artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans
lesquelles les hommes conçoivent ce conflit et le combattent. De
même qu'on ne peut juger un individu sur l'idée qu'il a de lui
même, on ne peut juger une semblable époque de bouleversements sur
sa conscience : mais il faut expliquer cette conscience par les
contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les
forces productives de la société et les rapports de production. Une
formation sociale ne meurt jamais avant que soient développées
toutes les forces productives auxquelles elle peut donner libre cours
; de nouveaux rapports de production, supérieurs aux anciens,
n'apparaissent jamais avant que leurs conditions matérielles
d'existence n'aient mûri au sein de la vieille société.
C'est
pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle
peut résoudre ; car, à mieux considérer les choses, il s'avérera
toujours que le problème lui-même ne surgit que lorsque les
conditions matérielles de sa solution existent déjà ou tout au
moins sont en formation. »
Ici, le contexte de la citation est « oublié » par Staline. Ici, Marx n’a pas voulu donner une « définition géniale de l'essence même du matérialisme historique formulation géniale » ! Dans l'introduction du livre qu'il vient d'écrire, Marx formule les idées auxquelles il est parvenu pour analyser désormais le capitalisme (car c'est sur lui que repose la société bourgeoise).
Staline
aurait mieux fait de reprendre une citation de « Socialisme
utopique et socialisme scientifique »,
car après tout, c'est de cela qu'il s'agit en fin de compte «
Le
matérialisme dialectique et le matérialisme historique
».
Un
exemple d’une telle citation plus appropriée :
Les
faits nouveaux obligèrent à soumettre toute l'histoire du passé à
un nouvel examen et il apparut que toute
histoire
passée était l'histoire de luttes de classes, que ces classes
sociales en lutte l'une contre l'autre sont toujours des produits des
rapports de production et d'échange, en un mot des rapports
économiques
de
leur époque; que, par conséquent, la structure économique de la
société constitue chaque fois la base réelle qui permet, en
dernière analyse, d'expliquer toute la superstructure des
institutions juridiques et politiques, aussi bien que des idées
religieuses, philosophiques et autres de chaque période historique.
Ainsi l'idéalisme était chassé de son dernier refuge, la
conception de l'histoire; une conception matérialiste de l'histoire
était donnée et la voie était trouvée pour expliquer la
conscience des hommes en partant de leur être, au lieu d'expliquer
leur être en partant de leur conscience, comme on l'avait fait
jusqu'alors.
En
conséquence, le socialisme n'apparaissait plus maintenant comme une
découverte fortuite de tel ou tel esprit de génie, mais comme le
produit nécessaire de la lutte de deux classes produites par
l'histoire, le prolétariat et la bourgeoisie. Sa tâche ne
consistait plus à fabriquer un système social aussi parfait que
possible, mais à étudier le développement historique de l'économie
qui avait engendré d'une façon nécessaire ces classes et leur
antagonisme, et à découvrir dans la situation économique ainsi
créée les moyens de résoudre le conflit.
Mais
le socialisme antérieur était tout aussi incompatible avec cette
conception matérialiste de l'histoire que la conception de la nature
du matérialisme français l'était avec la dialectique et la science
moderne de la nature. Certes, le socialisme antérieur critiquait le
mode de production capitaliste existant et ses conséquences, mais il
ne pouvait pas l'expliquer, ni par conséquent en venir à bout; il
ne pouvait que le rejeter purement et simplement comme mauvais. Plus
il s'emportait avec violence contre l'exploitation de la classe
ouvrière qui en est inséparable, moins il était en mesure
d'indiquer avec netteté en quoi consiste cette exploitation et
quelle en est la source.
LES
DEUX DÉCOUVERTES CAPITALES DE
MARX
Le
problème était, d'une part, de représenter ce mode de production
capitaliste dans sa connexion historique et sa nécessité pour une
période déterminée de l'histoire, avec par conséquent, la
nécessité de sa chute, d'autre part, de mettre à nu aussi son
caractère interne encore caché, la critique s'étant jusque-là
jetée plutôt sur ses conséquences mauvaises que sur sa marche
même.
C'est
ce que fit la découverte de la plus-value.
Il fut prouvé
que l'appropriation de travail non payé est la forme fondamentale du
mode de production capitaliste et de l'exploitation de l'ouvrier qui
en résulte; que même lorsque le capitalisme paie la force
de travail de
son ouvrier à la pleine valeur qu'elle a sur le marché en tant que
marchandise, il en tire pourtant plus de valeur qu'il n'en a payé
pour elle; et que cette plus-value constitue, en dernière analyse,
la somme de valeur d'où provient la masse de capital sans cesse
croissante accumulée entre les mains des classes possédantes. La
marche de la production capitaliste, aussi bien que de la production
de capital, se trouvait expliquée.
Ces
deux grandes découvertes: la conception
matérialiste de l'histoire et
la révélation du mystère de la production capitaliste au moyen de
la plus-value,
nous
les devons à Marx.
C'est
grâce à elles que le socialisme est devenu une science, qu'il
s'agit maintenant d'élaborer dans tous ses détails.
Non, Staline va définir ce qu'est le matérialisme historique d'une manière superficiellement « neutre » :
« Le matérialisme historique est l'extension des principes du matérialisme dialectique à l'étude de la vie sociale, c'est une application des principes du matérialisme dialectique aux phénomènes. de l'existence de la vie sociale, à l'étude de la société et de son histoire.»
Ainsi, la formulation descriptive et « neutre » de Staline contraste avec « Socialisme utopique et socialisme scientifique » où comme raison de l'écrire, la lutte de classe déjà en cours du prolétariat contre la bourgeoisie est invoquée.
Staline écrit encore :
Il
n’est pas difficile de comprendre quelle importance considérable
prend l’extension des principes de la méthode dialectique à
l’étude de la vie sociale, à l’étude de l’histoire de la
société, quelle importance considérable prend l’application de
ces principes à l’histoire de la société, à l’activité
pratique du parti du prolétariat.
S’il
est vrai qu’il n’y a pas dans le monde de phénomènes isolés,
s’il est vrai que tous les phénomènes sont liés entre eux et se
conditionnent réciproquement, il est clair que tout régime social
et tout mouvement social dans l’histoire doivent être jugés, non
du point de vue de la « justice éternelle » ou de quelque autre
idée préconçue, comme le font souvent les historiens, mais du
point de vue des conditions qui ont engendré ce régime et ce
mouvement social et avec lesquelles il sont liés.
Le
régime de l’esclavage dans les conditions actuelles serait un
non-sens, une absurdité contre
nature.
Mais le régime de l’esclavage dans les conditions du régime de la
communauté primitive en décomposition est un phénomène
parfaitement compréhensible et logique, car il signifie un pas en
avant par comparaison avec le régime de la communauté
primitive.
Revendiquer
l’institution de la république démocratique bourgeoise dans les
conditions du tsarisme et de la société bourgeoise, par exemple
dans la Russie de 1905, était parfaitement compréhensible, juste et
révolutionnaire, car la république bourgeoise signifiait alors un
pas en avant. Mais revendiquer l’institution de la république
démocratique bourgeoise dans les conditions actuelles de l’U.R.S.S.
serait un non-sens, serait contre-révolutionnaire, car la république
bourgeoise par comparaison avec la république soviétique est un pas
en arrière.
Tout
dépend des conditions, du lieu et du temps.
Il
est évident que sans cette conception historique des phénomènes
sociaux, l’existence et le développement de la science historique
sont impossibles ; seule une telle conception empêche la science
historique de devenir un chaos de contingences et un amas d’erreurs
absurdes.
Poursuivons.
S’il est vrai que le monde se meut et se développe
perpétuellement, s’il est vrai que la disparition de l’ancien et
la naissance du nouveau sont une loi du développement, il est clair
qu’il n’est plus de régimes sociaux « immuables », de «
principes éternels » de propriété privée et d’exploitation ;
qu’il n’est plus « d’idées éternelles » de soumission des
paysans aux propriétaires fonciers, des ouvriers aux
capitalistes.
Par
conséquent, le régime capitaliste peut être remplacé par un
régime socialiste, de même que le régime capitaliste a remplacé
en son temps le régime féodal.
Dans son flou, cette formulation devient incorrecte. Plus d'informations à ce sujet plus loin….
Alors que Staline parle continuellement de « forces productives » et ne sait pas clairement s'il parle ou non de « classes », il ne peut qu'être vague (comparez ci-dessous ce que dit à ce sujet « Socialisme utopique et socialisme scientifique ») sur le sujet. rôle du prolétariat :
Par
conséquent, il faut fonder son action non pas sur les couches
sociales qui ne se développent plus, même si elles ne représentent
pour le moment la force dominante, mais sur les couches sociales qui
se développent et qui ont de l’avenir, même si elles ne
représentent pas pour le moment la force dominante.
En
1880-1890, à l’époque de la lutte des marxistes contre les
populistes, le prolétariat de Russie était une infime minorité par
rapport à la masse des paysans individuels qui formaient l’immense
majorité de la population. Mais le prolétariat se développait en
tant que classe, tandis que la paysannerie en tant que classe se
désagrégeait. Et c’est justement parce que le prolétariat se
développait comme classe, que les marxistes ont fondé leur action
sur lui. En quoi ils ne se sont pas trompés, puisqu’on sait que le
prolétariat, qui n’était qu’une force peu importante, est
devenu par la suite une force historique et politique de premier
ordre.
Par
conséquent, pour ne pas se tromper en politique, il faut regarder en
avant et non pas en arrière.
Poursuivons.
S’il est vrai que le passage des changements quantitatifs lents à
des changements qualitatifs brusques et rapides est une loi du
développement, il est clair que les révolutions accomplies par les
classes opprimées constituent un phénomène absolument naturel,
inévitable.
Par
conséquent, le passage du capitalisme au socialisme et
l’affranchissement de la classe ouvrière du joug capitaliste
peuvent être réalisés, non par des changements lents, non par des
réformes, mais uniquement par un changement qualitatif du régime
capitaliste, par la révolution.
Ceci
est également formulé avec négligence. Le communisme est la
nouvelle société, pas le socialisme. Le socialisme est la
transition du capitalisme au communisme.
Là
où Staline déclare que «
la classe ouvrière est ‘libérée’ »…,
Engels affirme que «
le prolétariat se libère lui-même… et avec lui toute l’humanité
» :
En transformant de plus en plus la grande majorité de la population en prolétaires, le mode de production capitaliste crée la puissance qui, sous peine de périr, est obligée d'accomplir ce bouleversement. En poussant de plus en plus à la transformation des grands moyens de production socialisés en propriétés d'État, il montre lui-même la voie à suivre pour accomplir ce bouleversement. Le prolétariat s'empare du pouvoir d'État et transforme les moyens de production d'abord en propriété d'État. Mais par-là, il se supprime lui-même en tant que prolétariat, il supprime toutes les différences de classe et oppositions de classes et également l'État en tant qu'État
Engels
parle ici du rôle du prolétariat dans la transition de la société
bourgeoise (et du capitalisme sur lequel elle repose) vers la
nouvelle société, le
communisme,
où les classes et les différences de classes n'existeront plus.
Engels ne dit RIEN sur « une période de transition », rien sur le
socialisme. C’est également logique car le socialisme en soi n’est
pas une forme de société…
Staline
parle SEULEMENT du socialisme comme d’une nouvelle forme de société
et ne parle pas du communisme comme de cette nouvelle forme de
société. De cette façon, l’insouciance finit par devenir une
erreur, comme je l’ai dit plus haut.
Staline : Sur l'importance du matérialisme historique sur l'activité du « parti du prolétariat » :
On
conçoit aisément l'importance considérable que prend l'extension
des principes du matérialisme philosophique à l'étude de la vie
sociale, à l'étude de l'histoire de la société ; on comprend
l'importance considérable de l'application de ces principes à
l'histoire de la société, à l'activité pratique du parti du
prolétariat.
S'il
est vrai que la liaison des phénomènes de la nature et leur
conditionnement réciproque sont des lois nécessaires du
développement de la nature, il s'ensuit que la liaison et le
conditionnement réciproque des phénomènes de la vie sociale, eux
aussi, sont non pas des contingences, mais des lois nécessaires du
développement social.
Par
conséquent, la vie sociale, l'histoire de la société cesse d'être
une accumulation de "contingences", car l'histoire de la
société devient un développement nécessaire de la société et
l'étude de l'histoire sociale devient une science.
Par
conséquent, l'activité pratique du parti du prolétariat doit être
fondée, non pas sur les désirs louables des "individualités
d'élite", sur les exigences de la "raison", de la
"morale universelle", etc., mais sur les lois du
développement social, sur l'étude de ces lois.
Poursuivons.
S'il est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance
des lois du développement de la nature est une connaissance valable,
qui a la signification d'une vérité objective, il s'ensuit que la
vie sociale, que le développement social est également connaissable
et que les données de la science sur les lois du développement
social, sont des données valables ayant la signification de vérités
objectives.
Par
conséquent, la science de l'histoire de la société, malgré toute
la complexité des phénomènes de la vie sociale, peut devenir une
science aussi exacte que la biologie par exemple, et capable de faire
servir les lois du développement social à des applications
pratiques.
Par
conséquent, le parti du prolétariat, dans son activité pratique,
ne doit pas s'inspirer de quelque motif fortuit que ce soit, mais des
lois du développement social et des conclusions pratiques qui
découlent de ces lois.
Par
conséquent, le socialisme, de rêve d'un avenir meilleur pour
l'humanité qu'il était autrefois, devient une science.
Par
conséquent, la liaison entre la science et l'activité pratique,
entre la théorie et la pratique, leur unité, doit devenir l'étoile
conductrice du parti du prolétariat.
Bien
sûr, on peut rester apparemment « objectif » et donc «
scientifique » avec la « description » : « S'il
est vrai que le monde est connaissable et que notre connaissance des
lois du développement de la nature est une connaissance valable, qui
a la signification d'une vérité objective, il s'ensuit que la vie
sociale, que le développement social est également connaissable et
que les données de la science sur les lois du développement social,
sont des données valables ayant la signification de vérités
objectives. »,
puis,
comme le fait Staline, affirmer fermement qu’
« on comprend l'importance considérable de l'application de
ces principes à l'histoire de la société, à l'activité pratique
du parti du prolétariat. »
Engels
souligne particulièrement qu’il s’agit de la manière dont la
classe ouvrière acquiert une compréhension de son rôle
révolutionnaire historique.
Mais
pour Engels dans «
Socialisme
utopique et socialisme scientifique »,
le matérialisme historique n’est pas seulement « objectivement »
scientifique, mais il est aussi « subjectivement » énoncé du
point de vue de classe du prolétariat.
Staline
parle bien de la tâche du « parti du prolétariat » mais ne dit
rien de son caractère d'avant-garde (alors que dans le Manifeste
du Parti communiste,
cela est indiqué comme la différence entre le parti communiste et
les « autres partis ouvriers »….)
Dans « Socialisme utopique et socialisme scientifique », les « lois économiques » sont décrites en termes très concrets. Les lois économiques/sociales sont celles de la production marchande et de l’économie marchande. Et puis la raison est donnée pour laquelle ils travaillent de manière indépendante au-dessus de la volonté des gens :
Dans
la production marchande telle qu'elle s'était développée au moyen
âge, la question ne pouvait même pas se poser de savoir à qui
devait appartenir le produit du travail. En règle générale, le
producteur individuel l'avait fabriqué avec des matières premières
qui lui appartenaient et qu'il produisait souvent lui-même, à
l'aide de ses propres moyens de travail et de son travail manuel
personnel ou de celui de sa famille. Le produit n'avait nullement
besoin d'être approprié d'abord par lui, il lui appartenait de
lui-même. La propriété de produits reposait donc sur le travail
personnel. Même
là où l'on utilisait l'aide d'autrui, celle-ci restait en règle
générale accessoire et, en plus du salaire, elle recevait
fréquemment une autre rémunération: l'apprenti ou le compagnon de
la corporation travaillaient moins pour la nourriture et le salaire
que pour leur propre préparation à la maîtrise. C'est alors que
vint la concentration des moyens de production dans de grands
ateliers et des manufactures, leur transformation en moyens de
production effectivement sociaux. Mais les moyens de production et
les produits sociaux furent traités comme si, après comme avant,
ils étaient restés les moyens de production et les produits
d'individus. Si, jusqu'alors, le possesseur des moyens de travail
s'était approprié le produit parce que, en règle générale, il
était son propre produit et que l'appoint du travail d'autrui était
l'exception, le possesseur des moyens de travail continua maintenant
à s'approprier le produit bien qu'il ne fût plus son produit, mais
exclusivement le produit du travail
d'autrui. Ainsi,
les produits désormais créés socialement ne furent pas appropriés
par ceux qui avaient mis réellement en œuvre les moyens de
production et avaient réellement fabriqué les produits, mais par le
capitaliste.
Moyens
de production et production sont devenus essentiellement sociaux;
mais on les assujettit à une forme d'appropriation qui présuppose
la production privée d'individus, dans laquelle donc chacun possède
et porte au marché son propre produit. On assujettit le mode de
production à cette forme d'appropriation bien qu'il en supprime la
condition préalable 1.
Dans cette contradiction qui confère au nouveau mode de production
son caractère capitaliste gît déjà en
germe toute la grande collision du présent. À
mesure que le nouveau mode de production arrivait à dominer dans
tous les secteurs décisifs de la production et dans tous les pays
économiquement décisifs, et par suite évinçait la production
individuelle jusqu'à la réduire à des restes insignifiants, on
voyait forcément apparaître d'autant plus crûment
l'incompatibilité de la production sociale et de l'appropriation
capitaliste.(...)
Nous
avons vu que le mode de production capitaliste s'est infiltré dans
une société de producteurs de marchandises, producteurs individuels
dont la cohésion sociale avait pour Moyen, l'échange de leurs
produits. Mais
toute société reposant sur la production marchande a ceci de
particulier que les producteurs y ont perdu la domination sur leurs
propres relations sociales. Chacun produit pour soi, avec ses moyens
de production dus au hasard et pour son besoin individuel d'échange.
Nul ne sait quelle quantité de son article parviendra sur le marché
ni même quelle quantité il en faudra; nul ne sait si son produit
individuel trouvera à son arrivée un besoin réel, s'il retirera
ses frais ou même s'il pourra vendre. C'est le règne de l'anarchie
de la production sociale.
Mais la production marchande comme toute autre forme de production a
ses lois originales, immanentes, inséparables d'elle; et ces lois
s'imposent malgré l'anarchie, en elle, par elle. Elles se
manifestent dans la seule forme qui subsiste de lien social, dans
l'échange, et elles prévalent en face des producteurs individuels
comme lois coercitives de la concurrence. Elles sont donc, au début,
inconnues à ces producteurs eux-mêmes et il faut d'abord qu'ils les
découvrent peu à peu par une longue expérience. Elles s'imposent
donc sans les producteurs et contre les producteurs comme lois
naturelles de leur forme de production, lois à l'action aveugle. Le
produit domine les producteurs.(...)
C'est
la force motrice de l'anarchie sociale de la production qui
transforme de plus en plus la grande majorité des hommes en
prolétaires et ce sont à leur tour les masses prolétariennes qui
finiront par mettre un terme à l'anarchie de la production. C'est la
force motrice de l'anarchie sociale de la production qui transforme
la perfectibilité infinie des machines de la grande industrie en une
loi impérative pour chaque capitaliste industriel pris à part,
en l'obligeant à perfectionner de plus en plus son machinisme sous
peine de ruine. Mais perfectionner les machines, cela signifie rendre
du travail humain superflu.
L'explication
de Staline du matérialisme historique est en fait une longue
paraphrase de la citation de Marx dans «
Introduction à la contribution à la critique de l'économie
politique
». Staline, comme la citation elle-même, est généraliste
quant au développement des sociétés et au mode de production sur
lequel elles reposent. La citation de Marx, en elle-même et
isolément, ne permet pas vraiment de savoir de quelles sociétés
elle parle, si elle concerne uniquement la société historique, ou
aussi la nouvelle société « moderne » ou bourgeoise, et si elle
concerne également les sociétés futures APRÈS la société
civile. . Parce que Staline (contrairement à Marx dans la citation
en question) parle du socialisme comme résultat de la révolution et
ne dit rien
du socialisme comme transition
du capitalisme au communisme,
Staline propose en fait le
socialisme
comme une nouvelle forme de société après la société bourgeoise.
Engels
parle de la nouvelle société créée sur les fragments de
l’ancienne société. Il entend par là le communisme. Il ne
parle pas
LUI-MÊME de « la transition » (en tant que période), entre le
capitalisme et le communisme.
Une
autre différence entre Engels et Staline.
Staline
– suivant la citation de Marx – parle des « forces
productives
» de manière générale.
Engels
parle spécifiquement
et concrètement
de la société bourgeoise basée sur le capitalisme et parle des
CLASSES, ainsi que de l'émergence du prolétariat comme la « force
productive
» la plus importante et la plus révolutionnaire de la société
bourgeoise :
Depuis
l'apparition historique du mode de production capitaliste, la prise
de possession de l'ensemble des moyens de production par la société
a bien souvent flotté plus ou moins vaguement devant les yeux tant
d'individus que de sectes entières, comme idéal d'avenir. Mais elle
ne pouvait devenir possible, devenir une nécessité historique
qu'une fois données les conditions matérielles de sa réalisation.
Comme tout autre progrès social, elle devient praticable non par la
compréhension acquise du fait que l'existence des classes contredit
à la justice, à l'égalité, etc., non par la simple volonté
d'abolir ces classes, mais par certaines conditions économiques
nouvelles. La scission de la société en une classe exploiteuse et
une classe exploitée, en une classe dominante et une classe opprimée
était une conséquence nécessaire du faible développement de la
production dans le passé. Tant que le travail total de la société
ne fournit qu'un rendement excédant à peine ce qui est nécessaire
pour assurer strictement l'existence de tous, tant que le travail
réclame donc tout ou presque tout le temps de la grande majorité
des membres de la société, celle-ci se divise nécessairement en
classes. À côté de cette grande majorité, exclusivement vouée à
la corvée du travail, il se forme une classe libérée du travail
directement productif, qui se charge des affaires communes de la
société: direction du travail, affaires politiques, justice,
science, beaux-arts, etc. C'est donc la loi de la division du travail
qui est à la base de la division en classes. Cela n'empêche pas
d'ailleurs que cette division en classes n'ait été accomplie par la
violence et le vol, la ruse et la fraude, et que la classe dominante,
une fois mise en selle, n'ait jamais manqué de consolider sa
domination aux dépens de la classe travailleuse et de transformer la
direction sociale en exploitation des masses.
Mais
si, d'après cela, la division en classes a une certaine légitimité
historique, elle ne l'a pourtant que pour un temps donné, pour des
conditions sociales données. Elle se fondait sur l'insuffisance de
la production; elle sera balayée par le plein déploiement des
forces productives modernes. Et en effet, l'abolition des classes
sociales suppose un degré de développement historique où
l'existence non seulement de telle ou telle classe dominante
déterminée, mais d'une classe dominante en général, donc de la
distinction des classes elle-même, est devenue un anachronisme, une
vieillerie. Elle suppose donc un degré d'élévation du
développement de la production où l'appropriation des moyens de
production et des produits, et par suite, de la domination politique,
du monopole de la culture et de la direction intellectuelle par une
classe sociale particulière est devenue non seulement une
superfétation, mais aussi, au point de vue économique, politique et
intellectuel, un obstacle au développement. Ce point est maintenant
atteint. Si la faillite politique et intellectuelle de la bourgeoisie
n'est plus guère un secret pour elle-même, sa faillite économique
se répète régulièrement tous les dix ans. Dans chaque crise, la
société étouffe sous le fait de ses propres forces productives et
de ses propres produits inutilisables pour elle, et elle se heurte
impuissante à cette contradiction absurde: les producteurs n'ont
rien à consommer, parce qu'on manque de consommateurs.
La
force d'expansion des moyens de production fait sauter les chaînes
dont le mode de production capitaliste l'avait chargée. Sa
libération de ces chaînes est la seule condition requise pour un
développement des forces productives ininterrompu, progressant à un
rythme toujours plus rapide, et par suite, pour un accroissement
pratiquement sans bornes de la production elle-même. Ce n'est pas
tout. L'appropriation. sociale des moyens de production élimine non
seulement l'inhibition artificielle de la production qui existe
maintenant, mais aussi le gaspillage et la destruction effectifs de
forces productives et de produits, qui sont actuellement les
corollaires inéluctables de la production et atteignent leur
paroxysme dans les crises. En outre, elle libère une masse de moyens
de production et de produits pour la collectivité en éliminant la
dilapidation stupide que représente le luxe des classes actuellement
dominantes et de leurs représentants politiques. La possibilité
d'assurer, au moyen de la production sociale, à tous les membres de
la société une existence non seulement parfaitement suffisante au
point de vue matériel et s'enrichissant de jour en jour, mais leur
garantissant aussi l'épanouissement et l'exercice libres et complets
de leurs dispositions physiques et intellectuelles, cette possibilité
existe aujourd'hui pour la première fois, mais elle
existe
2.
DE
L'ÈRE DE LA FATALITÉ À L'ÈRE DE LA LIBERTÉ
Avec
la prise de possession des moyens de production par la société, la
production marchande est éliminée, et par suite, la domination
du produit sur le producteur. L'anarchie à l'intérieur de la
production sociale est remplacée par l'organisation planifiée
consciente.
La dernière phrase parle de « transition » du capitalisme au communisme. Il est clair que l’abolition de la production marchande (et donc de l’économie marchande) fait partie du « nettoyage des héritages d’une forme de société antérieure ». La production marchande et l’économie marchande doivent donc disparaître sous le socialisme, afin qu’elles n’existent plus sous le communisme.
Staline reste très vague sur ce qui est formulé très clairement, concrètement et clairement dans « Socialisme utopique et socialisme scientifique ». Il ne dit rien de la disparition de la production marchande et de l’économie marchande :
Suscitées
par les nouvelles tâches que pose le développement de la vie
matérielle de la société, les idées et théories sociales
nouvelles se frayent un chemin, deviennent le patrimoine des masses
populaires qu'elles mobilisent et qu'elles organisent contre les
forces dépérissantes de la société, facilitant par là le
renversement de ces forces qui freinent le développement de la vie
matérielle de la société.
C'est
ainsi que, suscitées par les tâches pressantes du développement de
la vie matérielle de la société, du développement de l'existence
sociale, les idées et les théories sociales, les institutions
politiques agissent elles-mêmes, par la suite, sur l'existence
sociale, sur la vie matérielle de la société, en créant les
conditions nécessaires pour faire aboutir la solution des problèmes
pressants de la vie matérielle de la société, et rendre possible
son développement ultérieur.
Marx
a dit à ce propos :
«
La théorie devient une force matérielle dès qu'elle pénètre les
masses. » (Critique de la philosophie du droit de Hegel.)
Par
conséquent, pour avoir la possibilité d'agir sur les conditions de
la vie matérielle de la société et pour hâter leur développement,
leur amélioration, le parti du prolétariat doit s'appuyer sur une
théorie sociale, sur une idée sociale qui traduise exactement les
besoins du développement de la vie matérielle de la société, et
soit capable, par suite, de mettre en mouvement les grandes masses
populaires, capable de les mobiliser et de les organiser dans la
grande armée du parti du prolétariat, prête à briser les forces
réactionnaires et à frayer la voie aux forces avancées de la
société. (…)
C'est
ainsi que le matérialisme historique résout le problème des
rapports entre l'être social et la conscience sociale, entre les
conditions du développement de la vie matérielle et le
développement de la vie spirituelle de la société.
3°
Le matérialisme historique.
Une
question reste à élucider : que faut-il entendre, du point de vue
du matérialisme historique, par ces "conditions de la vie
matérielle de la société", qui déterminent, en dernière
analyse, la physionomie la société, ses idées, ses opinions, ses
institutions politiques, etc. ?
Sur la caractère de classe de chaque société, Staline reste vague :
Cela
veut dire que l'histoire du développement de la société est, avant
tout, l'histoire du développement de la production, l'histoire des
modes de production qui se succèdent à travers les siècles,
l'histoire du développement des forces productives et des rapports
de production entre les hommes.
Par
conséquent, l'histoire du développement social est en même temps
l'histoire des producteurs des biens matériels, l'histoire des
masses laborieuses qui sont les forces fondamentales du processus de
production et produisent les biens matériels nécessaires à
l'existence de la société.
Par
conséquent, la science historique, si elle veut être une science
véritable, ne peut plus réduire l'histoire du développement social
aux actes des rois et des chefs d'armées, aux actes des
"conquérants" et des "asservisseurs" d'États ;
la science historique doit avant tout s'occuper de l'histoire des
producteurs des biens matériels, de l'histoire des masses
laborieuses, de l'histoire des peuples.
Par
conséquent, la clé qui permet de découvrir les lois de l'histoire
de la société, doit être cherchée non dans le cerveau des hommes,
non dans les opinions et les idées de la société, mais dans le
mode de production pratiqué par la société à chaque période
donnée de l'histoire, dans l'économique de la société.
Par
conséquent, la tâche primordiale de la science historique est
l'étude et la découverte des lois de la production, des lois du
développement des forces productives et des rapports de production,
des lois du développement économique de la société.
Par
conséquent, le parti du prolétariat, s'il veut être un parti
véritable, doit avant tout acquérir la science des lois du
développement de la production, des lois du développement
économique de la société.
Par
conséquent, pour ne pas se tromper en politique, le parti du
prolétariat, dans l'établissement de son programme aussi bien que
dans son activité pratique, doit avant tout s'inspirer des lois du
développement de la production, des lois du développement
économique de la société.
c)
La deuxième particularité de la production, c'est que ses
changements et son développement commencent toujours par le
changement et le développement des forces productives et, avant
tout, des instruments de production. Les forces productives sont, par
conséquent, l'élément le plus mobile et le plus révolutionnaire
de la production. D'abord se modifient et se développent les forces
productives de la société ; ensuite, en fonction et en conformité
de ces modifications, se modifient les rapports de production entre
les hommes, leurs rapports économiques.
Puisque
Staline, suivant la citation de Marx, parle principalement de manière
générale des sociétés et de leur développement, il ne parle pas
de la société pré-bourgeoise (société féodale) et de la société
bourgeoise qui en a émergé. Il ne dit donc rien sur les origines de
la production MARCHANDE et de l'économie MARCHANDE. Puisque dans la
production marchande et l'économie marchande (en raison de la
manière dont elles se sont développées historiquement - voir
Engels à ce sujet) des lois existent, indépendamment de la volonté
humaine, ... « Par
conséquent, le parti du prolétariat, s'il veut être un parti
véritable, doit avant tout acquérir la science des lois du
développement de la production, des lois du développement
économique de la société.
Par
conséquent, pour ne pas se tromper en politique, le parti du
prolétariat, dans l'établissement de son programme aussi bien que
dans son activité pratique, doit avant tout s'inspirer des lois du
développement de la production, des lois du développement
économique de la société. ».
... une vague déclaration d'intention, dont on ne sait pas
clairement si elle concerne uniquement la tâche du "parti du
prolétariat" dans la société bourgeoise, ou aussi pour la
société ultérieure (où Staline parle alors de socialisme) et dans
dans quelle mesure cette production marchande et cette économie
marchande existeraient (encore) là-bas...
Nous
verrons plus tard comment cette formulation « peu claire »
(opportuniste) est utilisée pour développer... révisionnisme.
Tout
au long de son explication, il ne mentionne pas les classes ou la
lutte des classes, arrivant ainsi à un concept de « parti » qui,
AVANT TOUT, ne mobilise pas la classe ouvrière et n’organise pas
l’avant-garde de la classe ouvrière.
Dans « Socialisme utopique et socialisme scientifique », Engels parle très clairement du rôle historique du prolétariat (et donc aussi de la tâche du parti du prolétariat – telle qu'elle est formulée dans le Manifeste du Parti communiste) :
3.
-
RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE.
-
Résolution des contradictions: le prolétariat s'empare du pouvoir
public et, en vertu de ce pouvoir, transforme les moyens de
production sociaux qui échappent des mains de la bourgeoisie en
propriété publique. Par cet acte, il libère les moyens de
production de leur qualité antérieure de capital et donne à leur
caractère social pleine liberté de s’imposer. Une production
sociale suivant un plan prédéterminé est désormais possible. Le
développement de la production fait de l’existence ultérieure de
classes sociales différentes un anachronisme. Dans la mesure où
l’anarchie de la production sociale disparaît, l’autorité
politique de l’État entre en sommeil. Les hommes, enfin maîtres
de leur propre socialisation, deviennent aussi par là même, maîtres
de la nature, maître d’eux-mêmes, libres.
Accomplir
cet acte libérateur du monde, voilà la mission historique du
prolétariat moderne. En approfondir les conditions historiques et
par là, la nature même, et ainsi donner à la classe qui a mission
d’agir, classe aujourd’hui opprimée, la conscience des
conditions et de la nature de sa propre action, voilà la tâche du
socialisme scientifique, expression théorique du mouvement
prolétarien.
À propos de l’opportunisme tel que formulé ici dans Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique
Staline conclut son livre par :
Dans
la préface historique de son célèbre ouvrage Contribution
à la critique de l'économie politique
(1859), Marx donne une définition géniale de l'essence même du
matérialisme historique :
«
Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en
des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur
volonté ; ces rapports de production qui correspondent à un degré
de développement donné de leurs forces productives matérielles.
L'ensemble de ces rapports de production constitue la
structure
économique
de la société, la base réelle sur quoi s'élève une
superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent
des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production
de la vie matérielle conditionne le processus de vie social,
politique et intellectuel, en général. Ce n'est pas la conscience
des hommes qui détermine leur existence ; c'est au contraire leur
existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré
de leur développement, les forces productives matérielles de la
société entrent en contradiction avec les rapports de production
existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les
rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues
jusqu'alors. De formes de développement des forces productives
qu'ils étaient, ces rapports deviennent des entraves pour ces
forces. Alors s'ouvre une époque de révolutions sociales. Le
changement de la base économique bouleverse plus ou moins lentement
ou rapidement toute la formidable superstructure. Lorsqu'on étudie
ces bouleversements, il faut toujours distinguer entre le
bouleversement matériel, — constaté avec une précision propre
aux sciences naturelles, — des conditions économiques de la
production, et les formes juridiques, politiques, religieuses,
artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques dans
lesquelles les hommes conçoivent ce conflit et le combattent. De
même qu'on ne peut juger un individu sur l'idée qu'il a de lui
même, on ne peut juger une semblable époque de bouleversements sur
sa conscience : mais il faut expliquer cette conscience par les
contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les
forces productives de la société et les rapports de production. Une
formation sociale ne meurt jamais avant que soient développées
toutes les forces productives auxquelles elle peut donner libre cours
; de nouveaux rapports de production, supérieurs aux anciens,
n'apparaissent jamais avant que leurs conditions matérielles
d'existence n'aient mûri au sein de la vieille société.
C'est
pourquoi l'humanité ne se pose jamais que des problèmes qu'elle
peut résoudre ; car, à mieux considérer les choses, il s'avérera
toujours que le problème lui-même ne surgit que lorsque les
conditions matérielles de sa solution existent déjà ou tout au
moins sont en formation. »
Alors que dans « Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique », l'explication du matérialisme historique par Staline n'est qu'une élaboration, une paraphrase étendue de cette citation.
Qu’est-ce qui ressort de cette citation de Marx lorsque vous la comparez au Manifeste du Parti communiste et à l’explication du matérialisme historique dans « Socialisme utopique et socialisme scientifique » ?
La
« définition
géniale »
de Marx (comme l'appelle Staline) est générale
et nulle part elle ne dit quoi que ce soit sur la société de
classes, les classes et la lutte des classes.
Il
s’agit en fait (très généralement) de l’histoire des sociétés
successives…. cela dure jusqu’au moment où Marx écrit cette
citation.
Il
ne dit rien sur une société FUTURE, rien sur le communisme.
Parce
que Marx parle de manière très générale de sociétés qui se
succèdent, le terme «
forces productives
» désigne simplement ce qui, dans une société particulière,
appartient au mode de production et de distribution au sein de cette
société respective.
Le
CONTENU de ce qui constitue les « forces
productives
» est donc différent dans chaque société. Marx parle donc de
manière très générale de « forces
productives
», rien de plus.
En
fin de compte, dans la citation en question, Marx ne dit rien de
concret sur la société bourgeoise, comme il le fait dans «
Socialisme
utopique et socialisme scientifique »
...
Là
où Engels indique clairement dans «
Socialisme
utopique et socialisme scientifique »
que dans la société bourgeoise basée sur le capitalisme, la force
productive la plus importante est la classe ouvrière.
Dans
la société bourgeoise développée avec ses relations de production
capitalistes développés, les forces productives (... en effet la
science et la technologie, mais avant
tout la classe ouvrière)
atteignent un point où elles sont inhibées dans leur développement
ultérieur. Ceci est expliqué très concrètement dans «
Socialisme
utopique et socialisme scientifique »
et dans Le
Manifeste du Parti communiste.
Dans
d'autres textes de Marx et Engels (et Lénine), il est précisé ce
qu'est le « socialisme » : c'est APRÈS la rupture des relations de
production capitalistes par les forces productives les plus
révolutionnaires de la société bourgeoise, à savoir la classe
ouvrière, que la « (période)
transition
» au communisme, où les gens ne se feront plus face dans un certain
rapport de production, car il n'y aura plus de classes, ... donc pas
non plus de « relations de production ».
Mais
dans la citation en question de l’Introduction à la Contribution à
la critique de l’économie politique, Marx ne dit RIEN sur ce que
c’est dans le socialisme ou après le communisme.
MAIS : Marx lui-même était-il « opportuniste » dans cette citation ?
Mais
Marx lui-même est-il opportuniste, en ne parlant pas de classes et
en ne parlant pas CONCRÈTEMENT de la société bourgeoise... ?
Non,
ce sont les « analystes » qui basent leur « analyse » sur cette
citation qui sont opportunistes !
Ils
sont opportunistes car ils sortent cette citation de son contexte
puis VEILLENT AU SILENCE sur ce contexte car leur intention est de
lui donner un sens différent SANS son contexte. C'est une forme de
dogmatisme !
QUEL est le contexte de cette citation ?
Cette citation vient de l’« Introduction à la « Contribution à la critique de l’économie politique » » dans laquelle Marx écrit sur le sujet du livre « Contribution à la critique de l’économie politique » :
J'examine
le système de l'économie bourgeoise dans l'ordre suivant : capital,
propriété foncière, travail salarié, État, commerce
extérieur, marché mondial. Sous les trois premières rubriques,
j'étudie les conditions d'existence économiques des trois grandes
classes en lesquelles se divise la société bourgeoise moderne; la
liaison des trois autres rubriques saute aux yeux. La première
section du livre premier, qui traite du capital, se compose des
chapitres suivants : 1º la marchandise; 2º la monnaie ou la
circulation simple; 3° le capital en général. Les deux premiers
chapitres forment le contenu du présent volume. J'ai sous les yeux
l'ensemble de la documentation sous forme de monographies jetées sur
le papier à de longs intervalles pour mon propre éclaircissement,
non pour l'impression, et dont l'élaboration systématique, selon le
plan indiqué, dépendra des circonstances.
Je
supprime une introduction générale que j'avais ébauchée3 parce
que, réflexion faite, il me paraît qu'anticiper sur des résultats
qu'il faut d'abord démontrer ne peut être que fâcheux et le
lecteur qui voudra bien me suivre devra se décider à s'élever du
singulier au général. Quelques
indications, par contre, sur le cours de mes propres études
d'économie politique me semblent être ici à leur place.
L'introduction
générale, qui devait donner un aperçu du livre, a ensuite été
simplement ajoutée comme chapitre supplémentaire au livre... Au
lieu de cela, Marx veut simplement expliquer comment il en est arrivé
à écrire ce livre…. (et pas seulement des «
contributions à la critique de l’économie politique
» mais in fine des trois parties du « Capital
»)
Et
donc il explique :
Le premier travail que j'entrepris pour résoudre les doutes qui m'assaillaient fut une révision critique de la Philosophie du droit, de Hegel, travail dont l'introduction parut dans les Deutsch-Französiche Jahrbücher, publiés à Paris, en 1844. Mes recherches aboutirent à ce résultat que les rapports juridiques - ainsi que les formes de l'État - ne peuvent être compris ni par eux-mêmes, ni par la prétendue évolution générale de l'esprit humain, mais qu'ils prennent au contraire leurs racines dans les conditions d'existence matérielles dont Hegel, à l'exemple des Anglais et des Français du XVIII° siècle, comprend l'ensemble sous le nom de « société civile », et que l'anatomie de la société civile doit être cherchée à son tour dans l'économie politique. J'avais commencé l'étude de celle-ci à Paris et je la continuai à Bruxelles où j'avais émigré à la suite d'un arrêté d'expulsion de M. Guizot. Le résultat général auquel j'arrivai et qui, une fois acquis, servit de fil conducteur à mes études, peut brièvement se formuler ainsi :
ET
SUIT ENSUITE LE TEXTE QUI EST TOUJOURS UTILISÉ POUR Citer (OU QUI
PARFOIS NE cite QUE QUELQUES PHRASES)… ou sert à PARAPHRASER…..
Mais
Marx expose simplement ses idées, qui ont servi de ligne directrice
à ses « études
politico-économiques
».
Là
où Staline parle de la « définition
géniale »
de Marx, Lénine parle dans « Que
sont les « amis du peuple » et comment luttent-ils contre les
sociaux-démocrates »
(1894) de l'HYPOTHÈSE de Marx qui a constitué la base du Capital.
Mais
APRÈS le morceau de texte toujours cité, Marx va encore plus loin
dans son « introduction » (et là il parle spécifiquement de la
société bourgeoise) :
Les
rapports de production bourgeois sont la dernière forme
contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non
pas dans le sens d'une contradiction individuelle, mais d'une
contradiction qui naît des conditions d'existence sociale des
individus; cependant les forces productives qui se développent au
sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions
matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation
sociale s'achève donc la préhistoire de la société humaine.
Friedrich
Engels, avec qui,(…) 'entretenais par écrit un constant échange
d'idées, était arrivé par une autre voie (comparez sa Situation
des classes laborieuses en Angleterre) au même résultat que
moi-même, et quand, au printemps de 1845, il vint lui aussi
s'établir à Bruxelles, nous résolûmes de travailler en commun à
dégager l'antagonisme existant entre notre manière de voir et la
conception idéologique de la philosophie allemande, (…) Ce dessein
fut réalisé sous la forme d'une critique de la philosophie
post-hégélienne. (..) des circonstances nouvelles n'en permettaient
plus l'impression. (…) nous avions atteint notre but principal,
voir clair en nous-mêmes. Des travaux épars dans lesquels nous
avons exposé au public à cette époque nos vues sur diverses
questions, je ne mentionnerai que le Manifeste
du Parti communiste,
rédigé par Engels et moi en collaboration, et le Discours
sur le libre-échange publié
par moi. Les points décisifs de notre manière de voir ont été
pour la première fois ébauchés scientifiquement, encore que sous
forme polémique, dans mon écrit, paru en 1847, et dirigé contre
Proudhon : Misère
de la philosophie,
etc. (….) …. mes études économiques, que je ne pus reprendre
qu'en 1850 à Londres. La prodigieuse documentation sur l'histoire de
l'économie politique amoncelée au British Museum, le poste
favorable qu'offre Londres pour l'observation de la société
bourgeoise, et, enfin, le nouveau stade de développement où
celle-ci paraissait entrer avec la découverte de l'or californien et
australien, me décidèrent à recommencer par le commencement et à
étudier à fond, dans un esprit critique, les nouveaux matériaux.
(…)
Par
cette esquisse du cours de mes études sur le terrain de l'économie
politique, j'ai voulu montrer seulement que mes opinions, de quelque
manière d'ailleurs qu'on les juge et pour si peu qu'elles concordent
avec les préjugés intéressés des classes régnantes, sont le
résultat de longues et consciencieuses études.
« Le
résultat de longues et consciencieuses études » serait
enfin (APRÈS
l’étude préliminaire dans « Contribution
à la critique de l’économie politique »)
… Capital
tomes 1,2 et 3.
Son
étude, basée sur les idées exprimées dans l’INTRODUCTION de la
« Contribution à la critique de l’économie politique », a
conduit à formuler ce que cela signifiait CONCRÈTEMENT pour la
société civile. Il est frappant que CE texte (voir ci-dessous) de
la première partie du Capital ne soit pas utilisé pour « citer »
au lieu de l’INTRODUCTION de la « Contribution à la critique de
l’économie politique ».
Dans
la citation de « introduction … » (dans lequel, comme mentionné,
Marx ne parlait que d’une APERÇU GÉNÉRAL auquel il était
parvenu) Marx formule une formulation GÉNÉRALE des « forces de
production et des rapports de production ».
En
utilisant cette même citation de Marx (et d'une INTRODUCTION !), il
SEMBLE que les « forces productives » sont quelque chose qui est
TOUJOURS les mêmes, quelle que soit la forme de société, et en
délimitant clairement la citation (et en cachant tout contexte). )
IL SEMBLE, ou SEMBLE, que Marx le confirme.
Mais
en lisant TOUTE cette « Introduction », on apprend que Marx n’a
formulé qu’un RÉSUMÉ GÉNÉRAL pour clarifier l’idée à
laquelle il était parvenu, une idée qui l’a finalement conduit à
écrire le LIVRE « Contribution à la critique de l’économie
politique ».
Dans
le LIVRE « Contribution
à la critique de l’économie politique
» et plus tard dans Le
Capital,
cet APERÇU a conduit à l’analyse de la société BOURGEOISE, en
analysant le système de production SUR LEQUEL cette société
bourgeoise était fondée : le
capitalisme.
Cette
analyse le conduit maintenant à une formulation CONCRÈTE des «
forces productives
» et des «
relations de production
» et comment les « forces
productives
» doivent BRISER les « relations
de production
», car ceux-la inhibe et arrête leur développement, ici dans le
Capital:
Chapitre
XXXII : Tendance historique de l’accumulation capitaliste
Ainsi
donc ce qui gît au fond de l'accumulation primitive du capital, au
fond de sa genèse historique, c'est l'expropriation du producteur
immédiat, c'est la dissolution de la propriété fondée sur le
travail personnel de son possesseur.
La
propriété privée, comme antithèse de la propriété collective,
n’existe que là où les instruments et les autres conditions
extérieures du travail appartiennent à des particuliers. Mais selon
que ceux-ci sont les travailleurs ou les non-travailleurs, la
propriété privée change de face. Les formes infiniment nuancées
qu'elle affecte à première vue ne font que réfléchir les états
intermédiaires entre ces deux extrêmes.
La
propriété privée du travailleur sur les moyens de son activité
productive est le corollaire de la petite industrie, agricole ou
manufacturière, et celle-ci constitue la pépinière de la
production sociale, l'école où s'élaborent l'habileté manuelle,
l'adresse ingénieuse et la libre individualité du travailleur.
Certes, ce mode de production se rencontre au milieu de l'esclavage,
du servage et d'autres états de dépendance. Mais il ne prospère,
il ne déploie toute son énergie, il ne revêt sa forme intégrale
et classique que là où le travailleur est le propriétaire libre
des conditions de travail qu'il met lui-même en œuvre, le paysan,
du sol qu'il cultive, l'artisan, de l'outillage qu'il manie, comme le
virtuose, de son instrument.
Ce régime industriel de petits producteurs indépendants, travaillant à leur compte, présuppose le morcellement du sol et l'éparpillement des autres moyens de production. Comme il en exclut la concentration, il exclut aussi la coopération sur une grande échelle, la subdivision de la besogne dans l'atelier et aux champs, le machinisme, la domination savante de l'homme sur la nature, le libre développement des puissances sociales du travail, le concert et l'unité dans les fins, les moyens et les efforts de l'activité collective. Il n'est compatible qu'avec un état de la production et de la société étroitement borné. L'éterniser, ce serait, comme le dit pertinemment Pecqueur, « décréter la médiocrité en tout ». Mais, arrivé à un certain degré, il engendre de lui-même les agents matériels de sa dissolution. A partir de ce moment, des forces et des passions qu'il comprime, commencent à s'agiter au sein de la société. Il doit être, il est anéanti. Son mouvement d'élimination transformant les moyens de production individuels et épars en moyens de production socialement concentrés, faisant de la propriété naine du grand nombre la propriété colossale de quelques-uns, cette douloureuse, cette épouvantable expropriation du peuple travailleur, voilà les origines, voilà la genèse du capital. Elle embrasse toute une série de procédés violents, dont nous n'avons passé en revue que les plus marquants sous le titre de méthodes d'accumulation primitive.
L'expropriation
des producteurs immédiats s'exécute avec un vandalisme impitoyable
qu'aiguillonnent les mobiles les plus infâmes, les passions les plus
sordides et les plus haïssables dans leur petitesse. La propriété
privée, fondée sur le travail personnel, cette propriété qui
soude pour ainsi dire le travailleur isolé et autonome aux
conditions extérieures du travail, va être supplantée par la
propriété privée capitaliste, fondée sur l'exploitation du
travail d'autrui, sur le salariat4.
Dès
que ce procès de transformation a décomposé suffisamment et de
fond en comble la vieille société, que les producteurs sont changés
en prolétaires, et leurs conditions de travail, en capital, qu'enfin
le régime capitaliste se soutient par la seule force économique des
choses, alors la socialisation ultérieure du travail, ainsi que la
métamorphose progressive du sol et des autres moyens de production
en instruments socialement exploités, communs, en un mot,
l'élimination ultérieure des propriétés privées, va revêtir une
nouvelle forme. Ce qui est maintenant à exproprier, ce n'est plus le
travailleur indépendant, mais le capitaliste, le chef d'une armée
ou d'une escouade de salariés.
Cette expropriation s'accomplit par le jeu des lois immanentes de la production capitaliste, lesquelles aboutissent à la concentration des capitaux. Corrélativement à cette centralisation, à l'expropriation du grand nombre des capitalistes par le petit, se développent sur une échelle toujours croissante l'application de la science à la technique, l'exploitation de la terre avec méthode et ensemble, la transformation de l'outil en instruments puissants seulement par l'usage commun, partant l'économie des moyens de production, l'entrelacement de tous les peuples dans le réseau du marché universel, d'où le caractère international imprimé au régime capitaliste. A mesure que diminue le nombre des potentats du capital qui usurpent et monopolisent tous les avantages de cette période d'évolution sociale, s'accroissent la misère, l'oppression, l'esclavage, la dégradation, l'exploitation, mais aussi la résistance de la classe ouvrière sans cesse grossissante et de plus en plus disciplinée, unie et organisée par le mécanisme même de la production capitaliste. Le monopole du capital devient une entrave pour le mode de production qui a grandi et prospéré avec lui et sous ses auspices. La socialisation du travail et la centralisation de ses ressorts matériels arrivent à un point où elles ne peuvent plus tenir dans leur enveloppe capitaliste. Cette enveloppe se brise en éclats. L'heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à leur tour expropriés5.
L'appropriation
capitaliste, conforme au mode de production capitaliste, constitue la
première négation de cette propriété privée qui n'est que le
corollaire du travail indépendant et individuel. Mais la production
capitaliste engendre elle-même sa propre négation avec la fatalité
qui préside aux métamorphoses de la nature. C'est la négation de
la négation. Elle rétablit non la propriété privée du
travailleur, mais sa propriété individuelle, fondée sur les
acquêts de, l'ère capitaliste, sur la coopération et la possession
commune de tous les moyens de production, y compris le sol.
Pour
transformer la propriété privée et morcelée, objet du travail
individuel, en propriété capitaliste, il a naturellement fallu plus
de temps, d'efforts et de peines que n'en exigera la métamorphose en
propriété sociale de la propriété capitaliste, qui de fait repose
déjà sur un mode de production collectif. Là, il s'agissait de
l'expropriation de la masse par quelques usurpateurs; ici, il s'agit
de l'expropriation de quelques, usurpateurs par la masse.
Dans
une prochaine analyse, je parlerai de la manière dont l'opportunisme
de «
Matérialisme Dialectique et Matérialisme Historique
» a conduit à l'opportunisme des « Problèmes
économiques du socialisme en Union soviétique »
de Staline.
Ensuite,
j'analyserai comment cet opportunisme a été « utilisé » par des
éléments bourgeois du PCUS et aussi du PCC pour développer leur
ligne révisionniste (= ligne bourgeoise formulée dans des
expressions à consonance marxiste), et comment cela a conduit à la
restauration de la dictature bourgeoise et le capitalisme en Union
soviétique et en République populaire de Chine.
1Il est inutile d'expliquer ici que même si la forme de l'appropriation reste la même, le caractère de l'appropriation n'est pas moins révolutionné que la production par le processus décrit ci‑dessus. Que je m'approprie mon propre produit ou le produit d'autrui, cela fait naturellement deux genres très différents d'appropriation. Ajoutons en passant ceci: le travail salarié dans lequel est déjà en germe tout le mode de production capitaliste est très ancien; à l'état sporadique et disséminé, il a coexisté pendant des siècles avec l'esclavage. Mais ce germe n'a pu se développer pour devenir le mode de production capitaliste que le jour où les conditions historiques préalables ont été réalisées. (F. E.)
2Quelques chiffres pourront donner une idée approximative de l'énorme force d'expansion des moyens de production modernes, même sous la pression capitaliste.
D'après les derniers calculs de Giffen, la richesse totale de l'Angleterre et de l'Irlande atteignait en chiffres ronds:
en 1814 : 2 200 millions de livres = 44 milliards de marks
en 1865 : 6 100 millions de livres = 122 milliards de marks
en 1875 : 8 500 millions de livres = 170 milliards de marks
Quant à la dévastation de moyens de production et de produits dans les crises, le IIe congrès des industriels allemands à Berlin, le 21 février 1878, a estimé la perte totale rien que pour l'industrie sidérurgique allemande au cours du dernier krach, à 455 millions de marks. (F. E.)
3 Voir le texte intitulé : Introduction à la critique de l’économie politique daté de 1857. (N. R.)
4 «Nous sommes... dans une condition tout à fait nouvelle de la société... nous tendons à séparer complètement toute espèce de propriété d'avec toute espèce de travail. » (Sismondi : Nouveaux principes de l’Econ. polit., t. Il, p. 434.)
5 «Le progrès de l'industrie, dont la bourgeoisie est l'agent sans volonté propre et sans résistance, substitue à l'isolement des ouvriers, résultant de leur concurrence, leur union révolutionnaire par l'association. Ainsi, le développement de la grande industrie sape, sous les pieds de la bourgeoisie, le terrain même sur lequel elle a établi son système de production et d'appropriation. Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. De toutes les classes qui, à l'heure présente, s'opposent à la bourgeoisie, le prolétariat seul est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus authentique. Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices; bien plus elles sont réactionnaires. elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. » (Karl Marx et Friedrich Engels : Manifeste du Parti communiste, Lond., 1847 p. 9, 11.)